Extrait Virgule

23 A près la mort de Molière en 1673, c’est l’un de ses comédiens et amis, La Grange, qui reprend la direction de la troupe. En raison de nombreux conflits parmi les comédiens et d’une concurrence vive entre les différentes salles de théâtre, Louis XIV ordonne aux deux principales troupes de Paris (celle de La Grange et celle de l’Hôtel de Bourgogne) de fusionner pour n’en constituer qu’une seule et unique. Le 21 octobre 1681, le roi signe une lettre de cachet (une ordonnance) qui officialise cette « jonction » : c’est l’acte de naissance de la troupe des Comédiens-Français, appelés ainsi pour se distinguer des Comédiens-Italiens. Dès l’année suivante, ils s’organisent en établissant un acte d’association qui définit le fonctionnement de leur troupe. Dès lors, ils se réunissent régulièrement pour choisir les pièces à mettre au répertoire, discuter de la distribution des rôles et régler les questions pratiques liées aux décors, aux costumes, à l’éclairage de la salle… Aujourd'hui, la Comédie-Française gère la troupe ainsi que trois théâtres parisiens : la salle Richelieu, le théâtre du Vieux-Colombier et le Studio-Théâtre. Sa devise, Simul et singulis (expression latine qui signifie « Être ensemble et être soi-même ») et son emblème (une ruche bourdonnante) illustrent l’importance de l’esprit de troupe qui l’anime ! D epuis 1680, la Comédie-Française tient un répertoire, c’est-à-dire une liste des œuvres que la troupe interprète devant le public. Pour un auteur de théâtre, figurer au répertoire de la Comédie-Française est un très grand honneur ! Il compte à ce jour près de 3 500 pièces et il s’enrichit chaque année de nouvelles œuvres contemporaines de l’époque . Aujourd’hui, Molière est encore largement en tête, le record de représentations données revenant à Tartuffe , véritable star des planches françaises ! Esprit de troupe Qu'irez-vous voir ce soir ? La Comédie-Française présente enfin une particularité unique : le principe d’alternance. Alternance des spectacles d’abord, puisque jusqu’à cinq pièces différentes peuvent y être proposées pendant la même semaine. Alternance des interprètes ensuite : plusieurs comédiens sont distribués sur un même rôle , afin que les pièces puissent être jouées simultanément dans deux endroits distincts ! Cette alternance nécessite une logistique de maître. Chaque jour, dans la salle Richelieu, trois changements de plateau sont opérés : le matin, on démonte le décor de la représentation de la veille et on monte le décor de la répétition de l’après-midi ; et le soir, on démonte le décor de la répétition pour monter celui de la représentation (différente de celle de la veille !). Attention aux techniciens étourdis qui se tromperaient de panneaux : il serait fâcheux de jouer L’Avare dans le décor des Précieuses ridicules … © Arthur Lenoir, coll. Comédie-Française © Arthur Lenoir, coll. Comédie-Française Le buste de Molière, exposé dans le foyer du public de la Comédie-Française. © Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française Une scène du Malade imaginaire , représentation donnée à la Comédie- Française. UN PUBLIC DISSIP É ! À l’époque de Molière, les spectateurs les moins fortunés se placent sur le parterre, espace central où ils se tiennent debout devant la scène. Les autres s’installent dans les loges, en hauteur, de part et d’autre du parterre. Enfin, des sièges disposés sur le devant de la scène sont réservés aux personnalités importantes. Le public est souvent indiscipliné et bruyant : les spectateurs parlent entre eux, commentent à voix haute, rient bruyamment, s’interpellent… Difficile pour les comédiens de rester concentrés dans ces conditions !