Extrait Virgule

23 Portrait L e petit Charles naît le 9 avril 1821 à Paris. Ses parents ont trente-quatre ans d’écart : lorsque deux ans plus tôt, François Baudelaire, veuf et âgé de soixante ans, a proposé en riant à Caroline Dufaÿs, une charmante orpheline de vingt-six ans, de l’épouser, la jeune femme a accepté sans hésiter. Sans fortune, c’était pour elle l’occasion inespérée d’échapper à un destin de gouvernante dans une bonne famille. Et son « vieux » mari, déjà père d’un grand garçon né en 1805, est charmant et cultivé, il a étudié la philosophie et dessine à ses heures perdues. La famille vit confortablement, dans un bel appartement meublé et décoré dans le goût un peu démodé du siècle précédent. Orphelin de père à cinq ans La mort de François Baudelaire, alors que Charles n’a pas encore six ans, interrompt l’exis- tence heureuse du petit garçon, entouré de l’affection de ses parents et de son demi-frère, Alphonse. Charles se rapproche encore plus de sa mère, qu’il adore. Bientôt il emménage avec elle dans un nouvel appartement, moins coûteux, et fait la connaissance de son beau-père : Jacques Aupick, un bel officier que Caroline épouse un an après la mort de son premier mari. Direction la pension ! Jacques Aupick élève Charles comme son fils, à la dure ! Se riant des larmes de ce petit garçon très sensible, il le met en pension à l’âge de dix ans, pour sa rentrée en classe de septième (CM2). Même si Charles les déteste, il doit tant bien que mal s’adapter à ces pensions qui rythme- ront sa scolarité, à Paris d’abord, puis à Lyon, où son beau- père a été nommé. Charles et sa mère le rejoignent en janvier 1832. À cette époque, le trajet dure trois jours et demi et se fait en diligence. Dans de longues lettres à Al- phonse, Charles raconte ce premier voyage : l’inconfort de la diligence, les passagers qui descendent lorsque les chevaux peinent à monter les côtes et lui qui s’échappe, seul, libre et fier, précédant tout le monde ! « Rien n’égale en longueur les boiteuses+journees ... » « Qu’on s’ennuie au collège, surtout au collège de Lyon » , écrit Baudelaire. Élève doué, garçon observateur et intelligent, il n’est pas toujours assidu et se fait souvent punir et priver de sortie. Heureusement pour lui, depuis Napoléon I er , les châtiments corporels sont interdits et remplacés par des pensums, des lignes à recopier des di- zaines de fois... Pour faire plaisir à sa mère et à son beau- père, Charles leur promet de s’appliquer à nouveau et il est toujours très fier d’annoncer qu’il a été deuxième en grec ou quatrième en version latine... dans une classe qui compte plus de cinquante élèves ! Il sait que sa mère aimerait qu’il soit toujours premier (puisqu’il en a les capacités) : « Sa tendresse excessive lui fait sans cesse rêver des succès pour moi. » Dans ses nombreuses lettres, Charles de- mande souvent à sa mère de venir le voir ou de lui procu- rer une autorisation de sortie : il s’ennuie tant d’elle... Portrait de Baudelaire dans les années 1830. © akg-images / Maurice Babey

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz