Extrait Virgule

11 On , collage de Solange Gautier © Solange GAUTIER/KHARBINE TAPABOR Depuis ses origines, la langue française, comme toutes les langues vivantes, ne cesse d’évoluer. Des mots tombent en désuétude, deviennent des archaïsmes (des mots considérés comme vieillis, et qui ne sont plus que très rarement employés), d’autres disparaissent complètement. Et de nouveaux mots, de nouvelles expressions apparaissent : on les appelle des néolo- gismes (nom créé en 1735 à partir de deux mots grecs, neos , “nouveau”, et logos , “propos, discours”). Parfois, les néologismes sont créés par jeu, pour le plaisir de jouer avec le langage et le vocabulaire, mais souvent, c’est par nécessité qu’on invente un mot nou- veau : pour donner un nom à une nouvelle machine, à un nouvel appareil, une nouvelle technique ou tech- nologie. Par exemple, en 1892, quand les frères Louis et Auguste Lumière ont mis au point un appareil permet- tant d’enregistrer et de projeter des films, ils l’ont bap- tisé Cinématographe (du grec kinêma , “mouvement”, et -graphe , “qui transcrit”), mot qui est aussitôt devenu un nom commun sous la forme abrégée de cinéma . L’apparition de mots nouveaux peut aussi être liée à un phénomène de mode : ainsi, au XVI e siècle, les italia- nismes (mots italiens) étaient très en vogue en France, et la langue française en a adopté plusieurs milliers, en les conservant tels quels, ou en les modifiant légère- ment pour les adapter à la prononciation et à l’ortho- graphe du français. Enfin, la création de néologismes peut également correspondre à la volonté, pour un groupe ou une catégorie de gens, de se doter d’un langage crypté, secret, leur permettant de communiquer entre eux sans être compris des autres : l’argot, le langage des gueux, des voleurs et des escrocs, a rempli cette fonction, en France, à partir du Moyen Âge. En littérature, l’emploi de néologismes a été plus ou moins bien accepté, selon les époques. Le XVI e siècle était plutôt tolérant à l’égard des mots nouveaux , et certains auteurs, comme François Rabelais, ne se sont pas privés d’en inventer, ouvertement, tandis que d’au- tres, comme le poète Jacques Pelletier, préconisait de le faire discrètement : « Le précepte général en cas d’in- novation de mots, est que nous ayons l’astuce de les cacher parmi les usités, de sorte qu’on ne s’aperçoive point qu’ils soient nouveaux. » COMMENT NAISSENT LES MOTS NOUVEAUX ? Aux XVII e et XVIII e siècles, au contraire, l’usage des néologismes en littérature était généralement con- damné : le dictionnaire de l’Académie française, dans sa définition du terme néologisme , en 1762, précisait qu’il avait le plus souvent un sens péjoratif, pour désigner l’habitude « vicieuse » d’employer un mot nouveau ou de donner un sens nouveau à un mot. L’écrivain Voltaire, à la même époque, considérait que les néo- logismes devaient être réservés aux innovations des domaines scientifique et technique (« un mot nouveau n’est pardonnable que quand il est absolument néces- saire »). Au XIX e siècle, les avis sont partagés : Victor Hugo n’aime pas les néologismes, tandis qu’Honoré de Balzac ne se gêne pas pour en produire en quantité… Quoi qu’il en soit, au cours des siècles, les poètes et les écrivains ont enrichi la langue française de nombreux néologismes de leur invention : certains de ces néolo- gismes littéraires sont entrés dans le langage courant et dans les dictionnaires (cessant dès lors d’être des néologismes), d’autres sont restés des hapax , autre- ment dit des mots qui n’ont plus été utilisés ensuite… Hapaxer , v. : néologisme créé par moi-même pour désigner l’action de créer des mots à usage unique.

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