Extrait Virgule

23 oubliés par les enfants : un cerceau, un ballon, une petite pelle (il crut que c’était une rame)… Peter s’était fabriqué une flûte, dont il jouait admirable- ment bien, de l’avis des oiseaux et des fées. Les fées étaient d’ailleurs si charmées qu’elles proposèrent à Peter, pour le remercier de ses concerts, de réaliser le souhait qu’il vou- drait. Il demanda alors à aller voir sa mère, ce qui, jugèrent les fées, était un tout petit vœu, et Peter leur répondit qu’il préférait faire deux petits souhaits qu’un seul gros. Les fées les lui accordèrent, et leur reine donna à Peter le pouvoir de voler afin qu’il puisse aller voir sa mère. « La fenêtre par où je me suis envolé sera ouverte » , dit Peter aux fées avant de s’envoler, « Ma mère la laisse tou- jours ouverte dans l’espoir que je reviendrai. » Comment Peter savait-il cela ? Mystère. Quoi qu’il en soit, la fenêtre était en effet ouverte, et Peter vit sa mère endormie, à l’in- térieur. Il alla s’asseoir au pied du lit, et la regarda. Il la trouva belle, mais elle avait l’air triste dans son sommeil, et Peter savait pourquoi. Il hésita longuement, partagé entre l’envie de rester auprès d’elle, et le désir de retourner dans les Jardins. Les fées lui devaient encore un vœu. Et il n’avait pas fait ses adieux au vieux Salomon. Finalement, il dit « Je promets de revenir » , avant de s’envoler. Des nuits, des mois ou peut-être même des années pas- sèrent avant que Peter ne formule son second souhait : « Je veux maintenant revenir pour toujours auprès de ma mère. » Les fées lui chatouillèrent les épaules, pour qu’il puisse voler, et il fila droit jusqu’à la fenêtre. « Mais la fenêtre était fermée, et il y avait des barres de fer, et, en regardant à l’intérieur, il vit sa mère qui dormait paisible- ment en tenant dans ses bras un autre enfant. » Peter cria, frappa de ses petits poings contre les barreaux, mais en vain : sa mère ne l’entendait pas. « Il dut s’envoler en san- glotant vers les Jardins, et il ne revit plus jamais sa mère chérie. » « Peter a un certain âge, mais comme en réalité il a toujours le même âge, cela n’a aucune espèce d’im- portance. Son âge est une semaine, et quoiqu’il soit né depuis bien longtemps, il n’a jamais eu d’anniver- saire, et il n’a pas la moindre chance d’en avoir jamais. La raison de cette anomalie c’est qu’à l’âge de sept jours […] il s’est échappé par la fenêtre et s’est sauvé dans les Jardins de Kensington. » Peter Pan pensait être un oiseau, et il y croyait si ferme- ment que c’est probablement ce qui lui permit de s’en- voler par la fenêtre de sa chambre. En tout cas, il atter- rit dans les Jardins après l’Heure de la Fermeture, car il y avait beaucoup de fées partout, qui vaquaient à leurs occupations sans se cacher. Peter Pan aurait aimé leur parler, mais, à sa vue, les hommes, les femmes et les enfants fées s’enfuyaient, paniqués, en criant qu’il y avait un humain dans les Jardins. Peter ne se doutait pas qu’il s’agissait de lui (rappelons qu’il croyait être un oiseau). Comme il se sentait très seul, il vola jusqu’à l’île des oiseaux, qui étaient tous endormis, sauf le vieux corbeau Salomon Cow. Quand Peter apprit, par Salo- mon, qu’il n’était pas un oiseau – car les oiseaux ne portent pas de chemise de nuit, et n’ont pas de doigts de pied – il fut très malheureux, et songea à retourner chez sa mère, mais ne le fit pas, d’une part parce qu’il n’était plus certain de savoir voler, et d’autre part parce qu’il espérait pouvoir encore le faire. Donc, Peter restasur l’île, avec lesoiseaux.Auboutdequelque temps, il réussit à convaincre les grives, qui sont expertes dans l’art de faire des nids solides et étanches, de lui construire un bateau, en faitunénormenid, sur lequel il fixa, en guise de voile, sa chemise de nuit. Ce bateau-nid permit à Peter de traverser la Serpentine pour aller explorer les Jardins de Kensington après l’Heure de la Fermeture. La pre- mière fois, il fut trèsmal accueilli par le petit peuple des fées, qui tenta de le chasser, mais finale- ment les choses s’arrangèrent, et la reine des fées accorda à Peter l’hospitalité dans les Jardins. Peter aimait beaucoup s’amu- ser dans les jardins, entre l’Heure de la Fermeture et celle de l’Ouverture (heure à laquelle il retournait sur son île), et il y faisait sans cesse des découvertes intéressantes, comme, par exemple, des jouets Les fées chatouillent les épaules de Peter pour le faire voler (illustration d’Arthur Rackham). © The Stapleton Collection / Bridgeman Images V

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