Extrait Virgule

ADA & ROSIE Comme sa malicieuse petite sœur Rosie et comme ses parents, Ada a une tête de cochon (au sens propre). Pour le reste, elle est une ado tout à fait nor- male : elle se trouve moche, elle a peur de rater sa vie, elle n’est jamais contente (faux : en fait, elle a juste « la flemme de sourire ») et elle affiche, en famille, une attitude blasée et ennuyée, à moins qu’elle ne fasse sa tête de cochon (au sens figuré : l’expression signifie alors “faire preuve d’un caractère difficile”) pour s’opposer à sa mère… Écrite et des- sinée par Dorothée de Monfreid , la BD Ada & Rosie (publiée chaque semaine depuis 2017, sous forme de blog, dans le journal Libération ) vient de sortir en livre. L’album s’intitule Ada & Rosie, mauvais esprit de famille (éditions Casterman, 2019). ALICE Le pays des merveilles, imaginé par l’écrivain anglais Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles (1865), est un univers très étrange, dans lequel Alice, la jeune héroïne de l’his- toire, vit, en rêve, des aventures extraordi- naires et rencontre des personnages extrava- gants, tous plus ou moins inquiétants et fous. À tout moment le rêve menace de tourner au cauchemar, comme dans cet épisode où Alice se retrouve dans la cuisine d’une duchesse, qui est en train de bercer un bébé tandis que sa cuisinière prépare une soupe au poivre : très vite la situation déraille ; la cuisinière, devenant soudain hystérique, se met à lancer au travers de la pièce tout ce qui lui tombe sous la main – casseroles, assiettes, plats ; la Duchesse, après avoir traité le bébé de porc, le secoue violemment, puis s’en débarrasse en le jetant à Alice, qui, pour le sauver, l’emporte dehors. Alice assiste alors à une étonnante métamorphose : « Le bébé grogna […]. Alice le regarda au visage avec inquiétude pour voir ce qu’il avait. Sans contredit son nez était très- retroussé, et ressemblait bien plutôt à un groin qu’à un vrai nez. Ses yeux aussi deve- naient très-petits pour un bébé. Enfin Alice ne trouva pas du tout de son goût l’aspect de ce petit être. “Mais peut-être sanglotait-il tout simplement”, pensa-t-elle, et elle regarda de nouveau les yeux du bébé pour voir s’il n’y avait pas de larmes. “Si tu vas te changer en porc”, dit Alice très-sérieusement, “je ne veux plus rien avoir à faire avec toi. Fais-y bien attention !” La pauvre petite créature sanglota de nouveau, ou grogna (il était impossible de savoir lequel des deux), et ils conti- nuèrent leur chemin un instant en silence. Alice commençait à dire, en elle-même, “Mais, que faire de cette créature quand je l’aurai portée à la maison ?”, lorsqu’il grogna de nouveau si fort qu’elle regarda sa figure avec quelque inquiétude. Cette fois il n’y avait pas à s’y tromper, c’était un porc, ni plus ni moins, et elle comprit qu’il serait ridicule de le porter plus loin. Elle déposa donc par terre le petit animal, et se sentit toute soulagée de le voir trotter tran- quillement vers le bois. “S’il avait grandi”, se dit- elle, “il serait devenu un bien vilain enfant ; tandis qu’il fait un assez joli petit porc, il me semble.” Alors elle se mit à penser à d’autres enfants qu’elle connaissait et qui feraient d’assez jolis porcs, si seulement on savait la manière de s’y prendre pour les métamorphoser. » 11 Illustration d’Arthur Rackham, 1907 © The Stapleton Collection / Bridgeman Images © Casterman

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