Extrait Virgule

Alors Taffy eut une autre idée. Elle saisit la dent de requin que l’Étranger portait à son cou en collier, prit un grand morceau d’écorce de bouleau, et déclara : « — Je vais vous faire un beau dessin ! […] Je vais d’abord dessiner Papa en train de pêcher. Ce n’est pas très res- semblant, mais Maman comprendra, car j’ai dessiné son harpon brisé. Maintenant, je vais dessiner l’autre harpon qu’il veut, celui au manche noir. On dirait qu’il est planté dans le dos de Papa, mais c’est parce que la dent de requin a glissé et ce morceau d’écorce n’est pas assez grand. Voilà le harpon que vous devez rapporter, alors je vais me dessi- ner en train de tout vous expliquer. En vrai, mes cheveux ne sont pas dressés comme ça, mais c’est plus facile à dessiner de cette manière. Maintenant, je vais vous dessiner. Moi, je vous trouve vraiment très gentil, mais je ne peux pas vous faire joli sur le des- sin. Vous fâchez pas. » Avec la pointe de la dent de requin, Taffy des- sina sur l’écorce le chemin qui conduisait à la Caverne, avec, au passage, le marais-aux-cas- tors, et, à l’arrivée, sa maman devant la Caverne. Quand elle eut fini, Taffy demanda à l’Étranger : « C’est pas un beau dessin ? Vous avez tout compris ou bien je dois encore vous expliquer ? » L’Étranger hocha la tête, prit le dessin et partit en courant en direction de la Caverne. Pourquoi en courant ? Eh bien, parce que l’Étranger croyait que des ennemis 13 Quand, par qui et comment a été inventé le premier alphabet ? Il est difficile de répondre précisément à ces questions, à moins d’avoir beaucoup d’imagination, comme l’écrivain anglais Rudyard Kipling , auteur en 1902 des Histoires comme ça , un recueil de petits récits qui se déroulent en des « Temps Anciens et Reculés » et plus précisément, pour certains, au Néolithique (c’est ainsi qu’on appelle la dernière grande période de la Préhistoire). Dans deux des récits ayant pour cadre le Néolithique, Kipling nous raconte Comment la première lettre fut écrite puis Comment l’alphabet fut fait… COMMENT LA PREMIÈRE LETTRE FUT ÉCRITE « Il était une fois, il y a très longtemps, un Homme Néolithique […]. C’était un Primitif qui vivait dans une caverne et il portait peu de vêtements, il ne savait pas lire, ne savait pas écrire et n’en avait nulle envie et il était toujours heureux, sauf quand il avait faim. Il se nommait Tegumai Bopsulai ». Tegumai avait une femme, Teshumai Tewindrow, et une petite fille chérie, surnom- mée Taffy, mais qui en vérité s’appelait Taffimai Metallumai (ce qui signifie « La- Petite-Personne-sans-manières-qui-mérite- rait-une-bonne-fessée » ). « Un jour, Tegumai Bopsulai descendit par le marais-aux-castors jusqu’à la rivière Wagai pêcher des carpes pour le dîner. Taffy l’ac- compagnait ». Tegumai et Taffy marchèrent longtemps, car la rivière Wagai était très loin de leur caverne. Quand enfin ils arrivèrent, Tegumai se mit à pêcher, mais brisa son harpon en le lançant trop fort. « — La pêche est fichue ! » dit Tegumai, qui avait oublié de prendre des harpons de rechange. Puis il s’as- sit, pour essayer de réparer avec des nerfs de renne son harpon cassé. « C’est alors qu’un Étranger passa le long de la rivière, mais il appartenait à une tribu lointaine, les Tewaras, et il ne comprenait pas un mot du langage de Tegumai. » Taffy, en voyant cet homme, qui lui souriait poliment et gentiment, eut une idée. Elle dit à l’Étranger : « — […] je voudrais que tu ailles trouver ma Maman car tu as les jambes plus longues que les miennes et tu ne tomberas pas dans le marais-aux-cas- tors. Tu lui demanderas l’autre harpon de Papa, celui au manche noir qui est accroché au-dessus de notre cheminée. » L’Étranger, un authentique Tewara, ne répondit rien, pour la bonne raison qu’il n’avait rien compris. © Gusman/Leemage L P H A B E a p a b e t

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