Extrait Sport & Vie

RUBRIQUE? Combien j’ai de buts? Au plan individuel, Kiro avoue qu’il a perdu le fil de ses exploits. Il sait seu- lement qu’il est le meilleur buteur de l’histoire de la Ligue des champions et le premier joueur à y avoir franchi le cap symbolique des mille buts. «Je dois être autour de 1.100 ou 1.200 buts» , se hasarde-t-il. On a refait les calculs. On arrive au nombre précis de 1.287. Il n’est même pas surpris! Il détient aussi le record du nombre de buts ins- crits lors d’un même championnat du monde: 92 en neuf matches lors de l’édition 2009. On a demandé au pré- parateur physique de Nantes, Adrian Morard, ce qui constitue le secret de son talent. «Il possède un poignet gauche ex-tra-or-di-naire» , répond-il en appuyant sur chaque syllabe. «Pour donner de la vitesse à la balle, certains joueurs doivent se servir d’une épaule très forte. Lui, il utilise surtout son poi- gnet. Cela lui permet de tirer très vite, dans des situations improbables, en trou- vant des angles impossibles.» En haut, en bas, coin court, coin long. «Il place vraiment la balle là où il veut.» Le plus souvent, gardiens et défenseurs n’y voient que du feu! Prophète en son pays Dans la galerie des sportifs célèbres évoluant en France, Kiril Lazarov mérite sûrement sa vitrine. «En Macédoine, il est une idole» , note Christophe Delacroix, journa- liste au quotidien Ouest-France. Sa biographie, dont le titre en français serait «Toujours gagner» , cartonne dans les librairies macédoniennes. Là encore, Kiril Lazarov reste placide. «Je suis le sportif le plus connu de mon pays» , explique-t-il. Avant d’ajouter avec fatalisme. «Encore pour quelques mois.» A 42 ans, Kiril Lazarov s’apprête donc à mettre fin à sa carrière de joueur. A vrai dire, il aurait dû tirer sa révé- rence l’année passée. «Mais ç’au- rait été trop dur d’arrêter dans le contexte de pandémie» , explique- t-il. «Je ne voulais pas livrer mon dernier match dans une salle vide . J’ai donc resigné pour un an.» Il ne cache pas les difficultés qu’il rencontre pour se maintenir en forme. «Je sens bien que je ne peux plus faire les choses comme avant. Mais j’essaie de m’adapter. J’ai compris par exemple qu’à mon âge, les heures passées sur le terrain comptent moins que celles passées en salle de sport pour les étirements et le renforcement musculaire.» Lorsqu’on lui demande comment le handball a évolué au cours de ses 27 années de carrière, sa réponse se réduit à un seul mot: «plus!» . Puis il développe: «la discipline exige plus de tout: plus de physique, plus de tactique, plus de diététique» . Plus de vidéo aussi! Il confie qu’il passe beau- coup de temps avant chaque match à étudier le jeu de ses adversaires, aussi bien les défenseurs que les gar- diens. Bien entendu, tous ces efforts ne suffisent pas toujours pour gommer le handicap de l’âge. Ces derniers mois, le temps de jeu de Lazarov s’est érodé. «Parfois, c’est vrai, on a l’impression qu’il est hors du coup et au bon moment, il sort de sa bo î te et se met à planter» , reprend notre confrère Christophe Delacroix. «C’est l’expé- rience» , sourit Thibaud Briet, coéquipier nantais de Lazarov et international français de vingt ans son puîné. «J’apprends beau- coup de lui, rien qu’en l’obser- vant.» Sans nier que parfois, «ça gueule fort sur le terrain car Kiro est aussi très exigeant avec les autres» . Le Macédonien apprécie quant à lui de côtoyer tous ces jeunes qui lui apportent beaucoup. «Ils courent et moi je réfléchis» ! Il poursuit, plus sérieuse- ment: «je ne regarde pas l’âge. Moi, j’es- time être devenu un vrai joueur de hand à 30 ans. Avant, je pensais que je savais tout de ce sport et que ma marge de pro- gression n’était plus très importante. Puis en arrivant au Club Balonmano Ciudad Real, j’ai rencontré Talant Dujshebaev, l’un des plus grands entraîneurs de l’his- toire.» Kirghize naturalisé espagnol, Talant Dujshebaev a mené à quatre reprises son équipe jusqu’au titre en Ligue des Champions. «Avec lui, j’ai vu un monde s’ouvrir devant moi, une somme de petits détails sur les tirs, les un-contre-un, la façon de jouer avec le pivot, etc.» A la rentrée prochaine, Kiril Lazarov remisera son maillot toujours floqué du numéro 7: «il m’a toujours porté chance. Et quand je ne pouvais pas l’avoir, je prenais le 17 comme à Nantes ou le 77, à Barcelone.» Il s’apprête maintenant à endosser le costume de coach à temps plein en club après avoir pris en main en février 2021 la sélection de Macédoine du Nord alors qu’il y était encore joueur. «Entraîneur- joueur, c’est compliqué, très fatigant, avec une forte charge mentale. Je le fais pour rendre service àmon pays.» Un pays dans lequel des rumeurs lui prêtent aussi des ambitions politiques. Il répond, évasif: « dans dix ou quinze ans, peut-être». Par David Picot hors-série n o 56 49 ROUCOULETTE Une star de librairie

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