Extrait Sport & Vie

hors-série n o 54 37 Désynchronisez-vous! Quand nous disons du putt qu’il paralyse, l’expression peut aussi être prise au sens propre. Plus précisément, un putt bien exécuté exige que vous deveniez paraplégique, donc paralysé en-dessous des hanches. En effet, les deux jambes doivent rester parfaite- ment immobiles tandis que le tronc est penché juste assez en avant pour que le club effleure le ga]on quand on le tient bras tendus. 8ne fois la position acquise, il faut tenir la tête de fa©on à fi[er la balle et entamer ce mouvement de balancier qui précède l’impact – un seul – et lamise enmouvement de la balle. Attention! Il faut mettre l’exacte dose de puissance. Pas trop faible pour ne pas mourir juste avant de toucher au but (rien de plus frus- trant…), pas trop fort au risque de dépasser la cible et s’en éloi- gner de fa©on rédhibitoire si le terrain est en pente ðà part ©a! . Décidément, le putt n’a rien d’innocent! Au contraire, le réussir nécessite de se mettre quasiment dans un état second, proche de celui de la méditation ou de la «zone» (le «ćoZ} en anglais) pour employer un vocable plus familier des sportifs. 8n chercheur en neurologie et physiologie de l’8niversité La 6apien]a de 5ome, Claudio %abiloni, a finement décrit comment s’active le cerveau des golfeurs experts quand ils rentrent un putt. Pour ce faire, il en a recruté douze, âgés de vingt ans en moyenne mais dotés de huit ans d’expérience au moins, et tous droitiers car la latéralité a son importance ainsi que nous le verrons plus loin. Après les avoir installés sur un green de laboratoire et bardés d’électrodes pour suivre leur activité neuronale, il a demandé à ces douze cobayes d’envoyer cent putts chacun, soit 1200 en tout dont environ six sur dix furent réussis. Parfait! Car ce qui intéressait Babiloni et ses collaborateurs, c’était justement d’étudier la différence d’ac- tivité cérébrale entre un putt victorieux et un autre raté (1). Sans entrer dans les détails effroyablement compliqués des calculs, filons directement à la conclusion: pour envoyer un putt dans le trou, il faut forcer son cerveau à donner la priorité aux segments impliqués dans l’exécution de ce geste, et àmettre tout le reste du corps sous l’éteignoir. Les chercheurs ont en effet remarqué que les putts réussis ou passés très près du trou étaient marqués par l’émission d’une certaine gamme d’ondes par des zones précises d’appréhension, ne peut pas non plus se défausser sur un parte- naire, puisqu’il n’y a pas de partenaire! C’est ainsi qu’on a vu des champions gaspiller un, deux coups à quelques pas du trou et perdre un tournoi pour ne pas avoir entré un putt présumé facile. Voilà la raison pour laquelle le putt mérite d’être classé parmi les gestes les plus ardus du sport contemporain, et surtout pourquoi sa complexité fascine les neurologues. En 2017, Lexi Thompson perd le plus grand tournoi de l’année (ANA Inspiration) à son tout dernier trou. Gareth Bale fait partie de tous ces professionnels qui jouent au foot avec raison et au golf avec passion.

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