Extrait Sport & Vie

hors-série n o 49 51 de boîte de nuit. En même temps, elle éprouvait un tas de symptômes étranges: malaise, tachycar- die, tremblements, dérèglement de l’appétit, insom- nie. Elle a terminé la boîte achetée illégalement sur internet (3). Mais elle n’en a pas commandé de nouvelle. La cortisone de bonne compagnie Dans la panoplie du danseur sous emprise pharmaceutique, il est évi- demment impossible de faire l’im- passe sur la cortisone. Elle fut très utili- sée tout au long des années 80. «Quand la compagnie était à Berlin, monsieur B. (NB: Balanchine) m’a envoyée chez un médecin qui m’a lui-même envoyée chez un autre médecin qui m’a injecté de la corti- sone dans le pied ” lit-on sous la plume de Gelsey Kirkland. Rappelons que la cor- tisone est un médicament aux puissants effets antalgiques, anti-inflammatoire, antifatigue et euphorisants. Ce pro- duit polyvalent aide aussi à délivrer le glucose nécessaire aux muscles lors de l’effort physique. Tous ces avantages à court terme expliquent son formidable succès. A long terme, c’est un tout autre tabac. L’action anti-inflammatoire fragi- lise le système immunitaire et fait le lit des infections. Les muscles fondent. Le squelette sedéminéralise. L’apport régu- lier de cortisone induit aussi un arrêt de la production endogène de l’hormone par le biais d’une boucle de rétroaction. Or celle-ci redémarre très difficilement après l’arrêt de la consommation. Bref, la cortisone génère des états de dépen- dance dignes des drogues les plus dures. Kirkland ne révèle pas le nom des médicaments. Elle ne détaille que les effets. Notamment cette chute sévère de l’appétit. «Cette esthétique digne d’un camp de concentration a conduit à tous les abus. Les problèmes de santé sont devenus épidémiques.» Elle-même affirme qu’elle ne se nourrissait que d’un quart de pomme et d’une cuillère de cottage-cheese par repas pour res- ter à 36 kilos. Aujourd’hui encore, on entend des témoignages d’artistes qui craignent la prise de poids et font le suc- cès des revendeurs de produits comme le clenbutérol, réputé brûler les graisses inutiles. Même le salbutamol est utilisé dans ce but par des consommateurs qui prennent souvent prétexte de leur asthme pour multiplier les doses. Voilà qui fait irrémédiablement penser au cas mystérieux du coureur britannique Chris Froome contrôlé en décembre 2017 à 2000 nanogrammes de salbuta- mol par millilitre d’urine, soit deux fois plus que la concentration autorisée, elle-même très laxiste (NB: le règle- ment a fixé le maximum de concentra- tion à 1000 milligrammes par millilitre). Vanessa est une danseuse de 29 ans qui cherchait elle aussi à perdre du poids. Après avoir cherché de l’information sur inter- net, elle a finalement opté pour le clenbutérol, qui lui paraissait le plus efficace. Elle confirme! En dix jours à peine, elle a vu son corps se transformer: moins de graisse, plus de muscle. Le physique idéal pour une danseuse professionnelle 10 heures 30. Avant cela, j’ai déjà fait une heure de Pilates. Les répétitions se pour- suivent jusqu’à 17 heures 30 et s’il y a une représentation en soirée, elle aura lieu de 19 à 22 heures 30 . C’est précisément pour cela que la ‘décompression’ est si impor- tante. Après le spectacle, je vais généra- lement boire quelques verres, fumer ou manger un cheeseburger . » Pour gérer la douleur, le stress et augmenter la créa- tivité tout en surveillant son poids de plus près, stimulants, diurétiques, amphétamines, stéroïdes et drogues récréatives circulent der- rière les rideaux. Diurétiques et plus si affinités En 1948, l’écrivain et amateur d’art Lincoln Kirstein s’associe au choré- graphe et danseur George Balanchine pour créer le New York City Ballet. On définit du même coup le physique du danseur idéal: le torse étroit, de lon- gues jambes fines, des bras déchar- nés. Les passionnés de cet art qui n’ont pas ce gabarit au naturel sont alors contraints de trouver des astuces comme celle de recourir aux médica- ments anorexigènes. «C’est connu que beaucoup de monde utilisait ces produits dans les années 70-80» témoigne Alicia, ancienne danseuse familière du monde du ballet et des cabarets, et qui souhaite garder l’anonymat (*). «Lorsque j’étais ballerine à Londres, je les voyais circuler dans les vestiaires.» On trouvait là des diurétiques qui augmentent la sécrétion urinaire et qui, jusqu’à leur interdiction en 1986, étaient notamment utilisés par les sportifs pour masquer la présence de substances dopantes dans l’urine. Pour les danseurs qui ne sont pas soumis aux contrôles, leur intérêt est tout autre. Ils permettent d’assécher les tissus et donc de perdre rapidement du poids. Problème! A long terme, la consomma- tion de ces diurétiques installe un état chronique de déshydratation qui se traduit par des chutes de tension, des accès de fatigue, des malaises et même des troubles du rythme cardiaque. Les laxatifs aussi sont très utilisés. En plus des excitants. Dans son livre, Gelsey (*) Le prénom a été changé sur demande de l’intéressée. Eric Underwood casse le mythe! Infiltrez, infiltrez: il en restera toujours quelque chose!

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