Extrait Sport & Vie

hors-série n o 48 39 du peuple russe. On se souvient pour- tant d’une époque pas si lointaine où le football russe comptait parmi les meilleurs du monde. Rappelons que l’URSS a remporté l’Euro de foot 1960 en France et qu’elle fut aussi finaliste des éditions 1964, 1972 et 1988. «Ce temps-là est révolu» reprend Lukas Aubin. «Encore aujourd’hui en Russie, le joueur dont on parle le plus, c’est Lev Yachine [1929-1990] , le légendaire gardien de but. Il figure même sur l’af- fiche officielle de la Coupe du monde. Or Yachine a arrêté sa carrière il y a plus de 50 ans.» Dix ans de galère La dernière fois que les fans russes ont véritablement vibré pour leur sélection remonte à l’Euro 2008. Il y a tout juste dix ans. Cette année-là, la Sbornaya avait franchi le premier tour grâce à deux victoires –contre la Grèce et la Suède– après une défaite inaugurale face à l’Espagne. Et son quart de finale contre les Pays-Bas (victoire 3-1 après prolongations) reste comme l’un des plus beaux matchs de son histoire. A l’époque, le Néerlandais Guus Hiddink occupait le poste de sélectionneur: une première pour un étranger. Dans le monde du foot, il jouissait alors d’une réputation de “faiseur de miracles” . Six ans plus le fait que ces mutations, quel qu’en soit le sens, dépendront beaucoup des résultats de la «Sbornaya» (surnom de l’équipe nationale russe). Pour évi- ter la honte, il faudrait qu’elle sorte au moins de son groupe éliminatoire et qu’elle ne soit pas éliminée au pre- mier tour comme ce fut le cas lors des tournois précédents: Coupe des confédérations 2017 en Russie, Euro 2016 en France, Coupe du monde 2014 au Brésil, Euro 2012 en Pologne et en Ukraine. A chaque fois, la Rus- sie avait sauté après les trois premiers matchs. On sait que ce peuple s’affiche volontiers fataliste. Face à cette succes- sion de défaites, sont- ils nombreux à croire à une résurrection? Cette fois, on inter- roge un autre journa- liste français qui vit en Russie et connaît bien le monde des suppor- ters: Aly Keita. “Les Russes savent très bien que l’équipe nationale aura du mal à rivaliser avec les meilleures formations. De ce fait, il n’y a pas trop de pression sur elle. Un quart de finale satisferait tout le monde!” Pour Keita, cet objectif au rabais est une preuve de la lucidité C omment se fait-il que le football russe stagne à un si faible niveau? Nous nous sommes posé la question avant les premiers ballons du prochain Mondial. Nous l’avons aussi posée à Lukas Aubin, un journaliste français qui suit le football russe depuis des années. Première explication: la faible popularité de ce sport en Russie. « Il ne faut pas oublier que le football n’est pas le sport le plus populaire dans ce pays» explique-t-il. “Les gens préfèrent le basket et les sports d’hiver. Le hockey surtout!” De fait, il suffit de constater l’affluence pour les matchs de la Ligue continentale de hockey (KHL), championnat eurasia- tique de hockey sur glace composé en majorité de clubs russes et consi- déré comme le deuxième meilleur au monde après la ligue nord-américaine (NHL). La plupart se jouent à guichets fermés. Or ce n’est presque jamais le cas des matchs de foot, à l’ex- ception de quelques grands derbys moscovites. Question subsidiaire: que fera-t-on de tous ces stades gigan- tesques construits pour la Coupe du monde juste après la compétition? En posant la question autour de nous lors d’un récent voyage en Russie, on a recueilli des avis vraiment très différents. Certains pensent que ces nouvelles infrastructures pourront relancer l’intérêt pour le foot. D’autres les considèrent déjà comme des «élé- phants blancs» et fustigent la légèreté avec laquelle les pouvoirs publics ont dépensé tout cet argent. En pure perte. Les opinions divergent, disions- nous. Tous s’accordent néanmoins sur LA GRANDE EXPLOSION Depuis l’éclatement de l’URSS en 1991, les an- ciennes républiques soviétiques tentent d‘exister aussi au plan footballistique. Certaines évoluent dans la zones européennes (*), d‘autres en Asie (**). Puis il y a le cas particulier du Kazakhstan, d’abord affilié à la Confédération asiatique de football (AFC) mais qui obtint son ralliement à la zone européenne (UEFA) en avril 2002 au principe qu‘une partie de son territoire se situe en Europe. Mais à part quelques exploits spora- diques de la Russie, de l’Ukraine, de la Léttonie et l’Ouzbékistan, toutes ces nations stagnent à un niveau très faible. Rien à voir avec le lustre d‘antan (***)! AB (*) Russie, Ukraine, Estonie, Lettonie, Lituanie, Bélarus, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan et Moldavie. (**) Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan et Kirghizis- tan. (***) Du temps de l’Union soviétique, les clubs étaient aussi craints que la sélection nationale. Ne pouvant compter aucun renfort étranger, ils sont pourtant parvenus à remporter trois compétitions européennes: deux pour le Dynamo Kiev (1975, 1986), une pour le Dynamo Tbilisi (1981). Le stade Krestovski de Saint-Pétersbourg: il a coûté un milliard d’euros et la vie à une centaine d’ouvriers nord-coréens! Le football russe se réveille avec la tête dans le cul!

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