Extrait Sport & Vie

hors-série n o 47 13 une ancienne tradition consiste à sucer la tête d’une espèce particulière de petit poisson pour soigner les affections buc- cales. On pourrait croire à une supersti- tion. Pas du tout! Des études récentes ont montré que la rétine de ces animaux contient d’abondantes doses de ribofla- vine (vitamine B2) dont la carence pro- voque des gerçures. D’autres habitudes alimentaires font souvent sens du point de vue scientifique. Vous ajoutez du jus de citron sur le poisson ou du persil à vos lentilles? Normal! On sait aujourd’hui que la vitamine C améliore l’assimila- tion du fer contenu dans ces plats. Mais ce qui est épatant dans cette branche de la recherche qui consiste à analyser nos habitudes, c’est de découvrir que les coutumes ont souvent précédé de beau- coup les connaissances scientifiques sous-jacentes. Parfois même, on s’est moqué d’elles avant de leur découvrir de vraies raisons d’être. Qui sait? Peut-être découvrira-t-on un jour des molécules aphrodisiaques dans les asperges. Des inventions sanguines Beaucoup d’interdits alimentaires tirent leur origine de la religion, parfois même de la politique. Surtout s’ils concernent la viande. Ce qui s’explique par la néces- sité de sacrifier au préalable l’animal et par la culpabilité que provoque cet acte. On prête alors un tas de déclara- tions à des grands hommes. Souvent apocryphes. «Très tôt, j’ai renoncé à la viande» aurait dit Léonard de Vinci. «Un jour viendra où les hommes proscriront de noix persuadés qu’elles rendent plus intelligent, inspirés sans doute par leur aspect rappelant les circonvolutions du cerveau. Beaucoup de sportifs aussi sont persuadés que, pour faire de la viande, il faut manger de la viande. Et ils poussent parfois le raffinement jusqu’à choisir les morceaux en fonction des parties de corps qu’ils veulent renforcer, les coureurs se tournant plus spontané- ment vers le jarret et les lanceurs vers la poitrine. Evidemment! Certaines de ces croyances sont parfaitement absurdes. D’autres pas. Et il est très difficile de distinguer les unes des autres. Dans l’ar- chipel océanien du Tonga, par exemple, on trouve un tas d’exemples illustrant le mythe de consubstantialité. «Le bifteck participe à la même mythologie sanguine que le vin» écrit Roland Barthes. «Qui- conque en prend assimile la force taurine.» Pour la même raison, le docteur John HarveyKellogg, inventeur avec son frère Will des célèbres corn-flakes, conseillait d’éviter de donner de la viande rouge aux jeunes gens car elle risquait de leur fouetter les sangs et ils pourraient alors succomber au pire des maux de la Terre: la masturbation! Un autre exemple? A Paris, jusqu’au début du XX e siècle, les abattoirs étaient régulièrement investis de buveurs de sang chaud qui cherchaient ainsi à retrouver jeunesse et virilité. Mieux encore! Dans les cam- pagnes, un vieux remède préconisait de faire tremper un membre fracturé dans du sang frais pour faciliter sa recons- truction. Dans ses souvenirs d’enfance, l’écrivain Maurice Genevoix se souvient avec dégoût de ces heures passées à voir sa jambe mariner dans un tonneau de sang. Quant à Jean-Jacques Rousseau, il était persuadé que l’impérialisme britannique trouvait son origine dans l’amour immodéré des Anglais pour le rosbif. Cela vous fait sourire? De fait, on pourrait croire qu’il s’agit de croyances anciennes et démodées. Détrom- pons-nous! Elles ont simplement changé de nature et, par exemple, on trouvera aujourd’hui de grands consommateurs Les risques du poulet Eminem à la mode Genevoix

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