Extrait Sport & Vie

l y a une vingtaine d’années, l’athlète allemand Dieter Baumann décrochait la médaille d’or aux Jeux olympiques de Barcelone sur 5000 mètres. A cette époque, il était le seul coureur blanc capable de rivaliser avec les Africains. Un talent exceptionnel! Malheureusement, il fut victime d’un contrôle antidopage positif en 1999 lorsqu’on décela dans ses urines la trace de métabolites de nandrolone. L’originalité de sa défense lui valut alors de conserver jusqu’à aujourd’hui une place en or dans les annales sportives. «Ce n’est pas moi, c’est mon dentifrice!» disait-il, persuadé d’être victime d’un complot. Techniquement, une injection de nandrolone avec une fine seringue aurait effectivement pu faire l’affaire. Mais peu de gens l’ont cru. Nous étions un an à peine après l’affaire Festina. On se méfiait de ce genre d’histoires de bidons intoxiqués ou autres accessoires trafiqués. Quoi de plus facile pour un sportif enmanque d’arguments que d’invoquer la thèse de l’empoisonnement? «Non, Patrick, je ne me suis pas dopé» , assurait lamarionnette du cycliste Richard Virenque dans les Guignols de l’Info. « Ou bien alors, c’était à l’insu de mon plein gré.» L’expression est restée! Dans ce contexte, les accusations d’empoisonnement de Baumann ne furent I SPORT & VIE HS n o 38 37 L’une des formes les plus anciennes de tricherie consiste à empoisonner son adversaire avant la compétition, une méthode mieux connue dans le monde du sport sous l’expression «doping to lose». donc pas prises au sérieux et le chic de sa réponse finit par nourrir des pages internet regroupant les excuses les plus hilarantes enmatière de dopage. Un vrai régal! Le côté tragique de cette histoire, c’est qu’il n’est pas certain du tout que Baumann mentait! Comment savoir? Pour prouver son innocence, l’athlète s’est volontairement soumis pendant plusieurs semaines à de multiples tests antido- page réalisés par un institut indépendant. Ceux-ci révélèrent que les doses de nandrolone variaient formidablement en fonction du moment de la journée. Selon Baumann, cela prouvait l’origine exogène de la contamination. La fédéra- tion allemande d’athlétisme crut à sa démonstration et voulut l’autoriser de nouveau à prendre part aux compétitions. Mais pas l’IAAF! Elle voulait le nom du coupable. Au bout du compte, Baumann dut purger sa peine de deux années de suspension, ce qui le priva d’une participation aux Jeux olympiques de Sydney en 2000. Aujourd’hui, les circonstances de cet épisode restent aussi floues qu’à l’époque des faits et laissent en suspens cette insoluble question: Baumann a-t-il été victime, comme beaucoup d’autres sportifs, d’un «doping to lose» ? La thèse du dentifrice empoisonné, défendue par Dieter Baumann n’est pas aussi farfelue qu’on le pense. C’est même une arme classique des services secrets, évoquée dans les assassinats de Lumumba en 1961 et de Arafat en 2004.

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