Extrait Sport & Vie
71 n o 204 la formule. Cette fois, le CIO avait mis son veto. Ce fut vécu comme une sotte pudibonderie! La plus hygiénique des boissons Dans toute la première partie du XX e siècle, une autre substance est lar- gement utilisée comme produit dopant: l’alcool, pardi! L’eau des puits et des sources n’étant pas toujours sûre, il était totalement banal pour tout le monde, y compris les enfants, de boire du vin ou de la bière. En 1866, le Prix Nobel Louis Pasteur, a rme même avec can - deur que «le vin peut être à bon droit considéré comme la plus saine, la plus hygiénique des bois- sons» (4). L’effet «coup de fouet» et un peu désinhi- bant est apprécié des spor- tifs. Surtout agrémenté de cocaïne. Au début du siècle, c’était la recette du fameux vin Mariani dont on vendait chaque année près de dix millions de bouteilles dans le monde. En France, ce succès a duré jusqu’à l’in- terdiction de la cocaïne en 1916. Restait l’alcool qui ne fut jamais frappé des mêmes interdits même si sa surconsommation était dénoncée par une partie du milieu médical et hygiéniste. Nombre de sociétés et de clubs appelaient la population à faire preuve de modération. Voire à l’abs- tinence. Notamment chez les sportifs. Dans un numéro de la Revue de l’Union vélocipédique de France paru en juil- let 1913, le docteur Bayard explique par exemple que «l’alcool, sous forme d’eau-de-vie de cognac, de rhum, de marc, d’apéritifs variés, est tout à fait nocif. Je sais nombre de cou- reurs qui m’ont avoué avoir perdu des courses parce qu’ils avaient pris à un moment donné quelques rasades de vin, un ‘Turin sec’ ou même un inoffen- sif Porto. L’alcool coupe les jambes, et loin de provoquer l’excitation et l’endu- rance nécessaire à une n de course, il amène une dépression» . Le docteur joué à Manchester United ainsi qu’en équipe nationale, tenait exactement le même discours. Connu pour chiquer systématiquement du tabac pendant tous ses matches, il en avait fait le secret de sa longévité, lui dont la carrière profession- nelle s’est terminée à l’âge de 50 ans envi- ron. Preuve de la passion nicotinique de l’époque, dans les années 1920, on commence à organiser des concours de fumeurs sur la base de critères similaires à ceux des épreuves sportives: per- formance (volume fumé, vitesse de fumage) et esthé- tique (prix du beau geste!) (*). Ce flirt entre les industries du sport et du tabac a duré des décennies. En marge des Jeux de Tokyo de 1964, on pouvait ainsi acheter des cigarettes commercialisées par le comité d’organisa- tion japonais, facilement reconnais- sable aux anneaux olympiques sur le paquet. L’initiative avait rapporté un million de dollars. Quatre ans plus tard, les Jeux de Grenoble voulurent copier Une vaste fumisterie Il faut dire que les préceptes de santé qui prévalaient il y a cent ans ne res- semblent guère à ceux d’aujourd’hui. Le tabac, par exemple. Depuis son importation en Europe au XVI e siècle et jusqu’au milieu du XX e siècle, le tabac a été considéré comme un «médicament universel» capable de soigner tous les maux: migraines, rhumatismes, ulcères, problèmes circulatoires, maladies des bronches et des poumons. Il prévenait la tuberculose. On vantait également son effet antidouleur et sa capacité à apaiser la faim. Au XVIII e siècle, on lui attribua même la capacité de ressusci- ter les morts (2)! A l’époque, les noyades étaient monnaie courante. Pour ten- ter de remédier à ce fléau, les auto- rités avaient alors installé le long des canaux, fleuves et autres points d’eau des «boîtes fumigatoires» contenant le nécessaire pour réanimer un noyé: un soufflet spécial permettant d’injecter la fumée de tabac... dans l’anus des vic- times (3)! Pendant plusieurs siècles, les vertus réelles ou imaginées du tabac ont été encensées par les médecins, et bien sûr, par les producteurs eux- mêmes. On le recommandait à tous: jeunes, vieux, femmes, hommes... et aussi aux sportifs! Ceux-ci recher- chaient prioritairement son effet soi-di- sant béné que sur les poumons. Dans l’Entre-deux-guerres, Gustave Van Slembrouck (1902-1968), un cycliste belge originaire d’Ostende, expliquait qu’il ne fumait jamais tant que lorsqu’il était en course. Cela ne l’a pas empê- ché de porter le maillot jaune pendant une semaine lors du Tour de France 1926 et de terminer aussi à de nom- breuses places d’honneur dans les classiques. Billy Meredith (1874-1958), un footballeur gallois qui a notamment (*) Quelques dizaines de clubs de fumeurs de pipe existent encore aujourd’hui en France, en Belgique et en Suisse. Des championnats se tiennent chaque année où le but est de tenir sa pipe allumée le plus longtemps pos- sible avec une quantité déterminée de tabac. Contre le surpoids et la sédentarité... fumez! La cigarette olympique Apprenez les gestes qui sauvent
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