Extrait Sport & Vie

n o 177 43 est confronté à un phénomène dont il n’avait pas mesuré la puissance durant la gestation: la pesanteur. Elle le cloue lit- téralement au sol. Il lui faudra des mois pour apprendre à la dompter. Premiers jours, premiers contrôles Quelques jours plus tard, on retrouve Julot chez lui. Ses parents ont tout prévu: une chambre, un berceau, une table à langer, une armoire, une pous- sette, une baignoire, des couches et des tétines. Riennemanque. Pour le couvert, c’est simple. On le nourrit à la source, en l’occurrence au sein de Maman. Du producteur au consommateur. Le circuit court le plus court du monde! Quand il ne mange pas, Julot dort. Tous les bébés sont différents. Celui-là dort beaucoup. Les premiers jours de sa vie, il les passe dans une sorte de semi-léthargie, comme s’il lui fallait récupérer des efforts accomplis le jour de sa naissance. Parfois cela inquiète un peu les parents. «Réveille-toi, chéri, je ne l’entends pas respirer» dit samaman. Julot pousse alors quelques grognements pour la rassurer. Puis il replonge dans le sommeil. «Réveille-toi, bébé! C’est l’heure de ta visite médicale.» Un événement! Julot découvre alors qu’il appartient à une espèce obsédée par la norme. A peine était-il sorti du ventre qu’à la cli- nique, on vérifiait déjà s’il possédait bien une sériede réflexes dits «archaïques» ou se sert des aspérités du terrain et prend appui sur les surfaces dures, en calquant ses efforts sur le rythme des contrac- tions. Un vrai travail d’équipe! Grâce aux réflexes archaïques, mère et bébé s’engagent dans une danse-contact que nous partageons avec tous les autres mammifères. Les réactions automa- tiques du bébé sont connues des scien- tifiques sous des noms étranges comme le réflexe tonique asymétrique du cou, le réflexe spinal de Pérez ou encore le réflexe de Galant. Très sollicités au moment de la naissance, ces réflexes vont s’inhiber par la suite. En atten- dant, ça y est! Le petit Julot s’est sorti du goulet, les lumières tamisées et l’en- vironnement aqueux laissent soudain place à un éclairage agressif et à un air glacial. Julot soigne sa sortie en procé- dant à une grande extension du corps grâce au réflexe tonique labyrinthique. Ensuite, il prend une grande inspira- tion –sa première!– grâce au réflexe de Moro qui l’aide à déployer ses poumons. Là-dessus, il semet généralement à pleu- rer. Ses parents sont soulagés. Plus tard, il découvrira que les pleurs ne seront pas toujours aussi bien accueillis. Mais ceux-là sont considérés comme le signe que tout va bien et qu’il a surmonté sans dommage l’épreuve de la naissance (*). Ces premiers pleurs sont-ils aussi tein- tés d’un soupçon de nostalgie? C’est possible. En regard de son ancienne résidence, celle-ci est, certes, plus spa- cieuse. Mais elle aussi très bruyante et très froide. Par rapport à la moiteur des chairs dont il avait l’habitude, les draps dont on l’enveloppe paraissent rêches comme du papier de verre. De plus, il L’ai-je bien descendu? Nous sommes en 1933. L’actrice Cécile Sorel, âgée de 60 ans, est très angois- sée à l’idée de devoir descendre élé- gamment l’escalier Dorian du Casino de Paris pour la première de sa revue Vive Paris . Quand on est juchée sur des hauts talons et drapée de froufrous, l’exercice s’avère plus périlleux qu’il n’y paraît. Un tel défi a valu à beaucoup d’actrices leur «billet de parterre» , ce qui n’est jamais de bon augure pour la pièce. Ce jour-là, Cécile Sorel s’acquitte parfaitement de sa tâche. Puis, arrivée au bas des marches, elle pose cette question char- mante depuis restée dans les annales: «l’ai-je bien descendu?» . Elle parle de l’escalier, bien sûr. Mais cette phrase conviendrait aussi très bien à l’exercice qui consiste, au début de la vie, à sortir du ventre maternel. Nous avions quitté Julot à mi-chemin de son parcours. Il manœuvre toujours pour trouver la sor- tie mais s’y prend de façon plus métho- dique. Chaque rotation de sa tête induit un mouvement d’épaule puis du corps tout entier, ce qui l’aide à passer les dif- férents détroits. Cette progression rap- pelle un peu celle du lézard puisqu’en étendant latéralement un bras et une jambe appariés, Julot fléchit le bras et la jambe opposés. Comme l’animal, Julot (*) Les bébés ne pleurent pas tous à la naissance et, contrairement à l’idée reçue, un bébé qui pleure ne va pas forcément bien et celui que ne pleure pas peut aussi bien être en parfaite santé. Cécile Sorel, la diva Appelons-le Julot!

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