Extrait Sport & Vie

n o 177 61 dans bien des domaines mais il ne fut pas le seul à fractionner l’effort. Les carnets d’entraînement du Finlandais Hannes Kolehmainen, vainqueur du 10.000 mètres aux Jeux olympiques de Stockholm en 1912, révèlent qu’il faisait lui aussi des «blocs» de 1000 mètres. Son successeur au palmarès olympique de la distance, son compatriote Paavo Nurmi, avait compris lui aussi qu’on pouvait s’exercer à gagner de la vitesse en rac- courcissant les distances et construisait ses séances de façon à courir plus vite, toujours plus vite. Aujourd’hui, plus personne ne remet en question ce type d’entraînement fractionné (2). Au fil des décennies, il a d’ailleurs donné nais- sance à différentes méthodes de prépa- ration encore plus spécifiques comme les fameux HIIT ( high intensity interval training) ou le SIT (sprint interval training) , très similaires dans la mesure où il s’agit illusion mais cela ne durait jamais long- temps. Très vite, on constatait un pla- fonnement des performances pour une raison simple à comprendre: on s’épuise à répéter toujours le même exercice. On se lasse. D’autant que les entraîneurs exhortaient les athlètes à se donner à fond, persuadés que les conditions de la compétition devaient être scrupuleuse- ment reproduites à l’entraînement. Cela aduréquelquesdécennies jusqu’àceque certains de ces pionniers du sport, plus malins que les autres, eurent l’idée de scinder l’exercice. Plutôt que faire 5000 mètres d’une traite, ils proposèrent d’enchaîner deux courses de 2500 mètres tout en respectant les impéra- tifs de vitesse, voire en les rehaussant légèrement puisque la distance était raccourcie. Entre ces deux efforts, ils octroyaient des périodes de récupéra- tion plus oumoins longues. Chacun avait ses petits secrets. En fractionnant l’ef- fort, ils s’aperçurent avec bonheur que celui-ci devenait beaucoup plus suppor- table et donc qu’on pouvait aussi aug- menter les charges de travail. On ajou- tait alors un troisième 2500mètres. Puis un quatrième. L’ interval training était né. A qui revient le mérite de cette inven- tion? Lorsqu’on pose la question dans un cénacle de spécialistes, le nom du champion tchécoslovaque Emil Zatopek revient souvent. A juste titre. Dans les années 50, il fut sûrement son plus bril- lant apôtre, coutumier des séances de fou. Il lui arrivait d’enchaîner 100 tours de piste à vive allure avec 150 mètres de récupération entre chaque accé- lération (1). Zatopek était précurseur Zatopek et compagnie On ne peut pas juger la valeur d’une nouvelle école d’entraînement sans s’intéresser d’abord aux principes qui la guident et à l’histoire qui précède son avènement. Revenons donc au début du XX e siècle, à une époque où l’on com- mence à prendre le sport au sérieux. Ce faisant, on découvre aussi les vertus de l’entraînement: plus on pratique, plus on progresse. Bizarrement, cette nou- veauté ne fit pas l’unanimité. Certains pionniers du sport trouvèrent en effet déloyal le fait de s’entraîner avant une compétition. Pierre de Coubertin lui-même était de cet avis. « Une per- formance est truquée quand elle est le fruit d’un entraînement devenu l’alpha et l’oméga d’une existence» écrivit-il. Cette admonestation n’a pas été plus enten- due que les autres (contre le dopage ou le professionnalisme, par exemple), et très vite on vit apparaître des cham- pions comme Jean Bouin (1888 - 1914) dont la vie tout entière était dévouée à la performance. Petit à petit, l’entraîne- ment s’est ainsi érigé en science et vécut alors bien des bouleversements. En la matière, on partait de nulle part, il faut le préciser. Au début du sport moderne, on pensait en effet que seul un effort identique à celui qui devait être produit en compétition était capable de faire progresser un athlète. La stratégie pour améliorer ses chronos sur 5000 mètres? Courir des 5000 mètres! Encore et encore. Au début d’une carrière, une telle méthode pouvait évidemment faire 1950: Zatopek invente le snack. Paavo Nurmi, le premier homme Sur le 5000 mètres des Jeux d’Helsinki, Hannes Kolehmainen s’im- pose devant Jean Bouin. Grâce aux intervalles?

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