Extrait Sport & Vie

n o 176 23 La loi des 4000 calories Il y a deux ans, on se demandait dans le hors-série n°46 de Sport et Vie où se situaient les limites de l’être humain. Toutes les limites: taille, longévité, intelligence et, bien sûr, perfor- mances sportives. Pour cette dernière variable, on n’en sait rien! Il existe quasiment autant de théories qu’il y a de chercheurs, une des plus célèbres étant bien entendu celle dite du Grand Gouverneur, émanation de l’esprit fertile du scien- tifique sud-africain Tim Noakes (Université du Cap). Or voici qu’une nouvelle hypothèse entre en scène, formulée par l’anthropologue américain Herman Pontzer (Université de Duke en Caroline du Nord). Selon lui, tout dépend de notre aptitude à assi- miler l’énergie des aliments. A partir de données recueillies notamment auprès des coureurs à pied participant à la Race across America (*), Pontzer explique que le corps humain ne peut pas assimiler plus de 4000 calories par jour. Attention! Cela ne signifie pas que nos dépenses quotidiennes sont tenues à respec- ter ce plafond. On peut très facilement le dépasser en effet. C’est notamment le cas des coureurs cyclistes qui, pendant les épreuves de trois semaines, dépensent entre 6000 (étape de plaine) et 8000 voire 9000 calories par jour (étape de montagne). Mais ce régime implique de piocher dans ses réserves. D’ailleurs, tous les coureurs terminent l’épreuve en ayant perdu du poids (entre 0,5 et 4 kilos). Cet amaigrissement ne pose pas de problème sur une période de trois semaines. Mais on ne pourrait évidemment pas tenir éternel- lement à ce rythme. Peu importe l’entraînement. Herman Pontzer considère donc cette barrière des 4000 calories comme une règle inviolable et souligne qu’à ce jour aucun régime, aucun aliment n’est parvenu à la renverser. FB-H (*) La Race across America ou RAAM consiste à courir un marathon par jour en moyenne, six jours sur sept, pendant quinze semaines. Il en existe une version équivalente mais à vélo. Référence: Extreme events reveal an alimentary limit on sustained maximal human energy expenditure , dans Science Advances , juin 2019 Un mauvais calcul Au sein de notre espèce, on sait que le choix du reproducteur incombe aux femelles et qu’elles se fient, parmi d’autres facteurs, à la force phy- sique apparente. Il ne faut pas cher- cher plus loin la motivation de tous ces jeunes garçons qui s’échinent à développer leur masse musculaire en faisant de la gymnastique ou en soulevant des poids. S’ils ajoutent à cela la prise de stéroïdes anaboli- sants, le résultat est plus spectacu- laire mais contre-productif puisqu’on sait que ces traitements entraînent précisément une baisse de la spermatogenèse indispensable à la reproduction. Ce paradoxe vient d’être théorisé par l’Améri- cain James Mossman (Université Brown, près de Boston) et le Britannique Allan Pacey (Université de Sheffield au Royaume- Uni). Leur recherche consistait en des spermogrammes de body- builders dopés aux stéroïdes. Ils constatèrent une corrélation inversement proportionnelle entre la production des gamètes et la consommation de ces produits. Les plus gros consommateurs atteignaient même le stade d’azoospermie (absence totale de spermatozoïdes). Ce «Mossman-Pacey effect» n’est pas en soi une découverte très étonnante. Cela fait des années que l’on sait que la prise d’hormones exogènes met au repos les filières naturelles. Cependant, les deux auteurs pensent qu’en expri- mant les choses sous la forme d’une théorie, ils aideront à faire prendre conscience aux habitués des salles de musculation que le recours à la chimie pour paraître plus sexy va à l’encontre de leur pro- jet originel qui consiste, rappelons-le, à faire des bébés! FB-H Référence: The fertility fitness paradox of anabolic-androgenic steroid abuse in men , dans Journal of Internal Medicine , janvier 2019 Fiona Kolbinger remporte la Transcontinentale Race: 4000 kilomètres entre la Mer Noire et l’Atlantique. Elle a fini en 10 jours, 2 heures et 48 minutes. Elle pesait 57 kilos au départ, deux de moins à l’arrivée! Dis Papa, comment on fait des bébés? Pas comme ça!

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