Extrait Sport & Vie

n o 176 51 collectifs . Mais les jalons posés par Le Bon demeurent. Notamment son ana- lyse des techniques de manipulation des foules. Car il est tout à fait possible d’en canaliser le comportement, ce qui implique de recourir à des images fortes et simples, illustrant des idées qui tiennent dans un seul slogan afin de pouvoir les répéter à l’envi selon une méthode comparable à l’hypnose. Cette partie des travaux de Le Bon retien- dra particulièrement l’attention des gouvernants de l’époque. Ainsi, Benito Mussolini cite Le Bon pour justifier la nécessité d’un chef autoritaire apte à contenir l’irrationalité dangereuse des humains dès lors qu’ils forment une meute (2). Car les foules peuvent être imbéciles et même meurtrières comme dans le surprenant roman de Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez, inspiré d’une histoire vraie (**). Des auteurs comme comportement d’un groupe d’individus diffère nettement de la somme des com- portements de ceux qui le composent. Très vite, Le Bon constate que la foule acquiert sa propre dynamique. Il parle d’ «âme collective» ou d’ «unité mentale» . Pour lui, les réactions de la foule échappent souvent à la logique et sont alors por- tées par cequ’il appelleune «imagination décomplexée» . On sent que Le Bon peine à trouver la bonne formula- tion. Aujourd’hui, les cher- cheurs préfèrent parler d’ «émergence» pour dési- gner ces emportements Le Bon, l’abrupt et le fasciste De prime abord, on s’étonne un peu que cette science n’ait pas été dûment consi- dérée comme une branche de la socio- logie. Elle n’est pas née de la dernière pluie pourtant. Les premiers travaux dans ce domaine remontent à la fin du XIX e siècle. On les doit au médecin et anthro- pologue français Gustave Le Bon. En 1895, il publie son œuvre majeure, Psychologie des foules , dans laquelle il explique très bien que le (*) Marion Montaigne est une illustratrice qui, sur son blog intitulé Tu mourras moins bête, aborde la science sous un angle humoristique et avec pédagogie. (**) Dans Mangez-le si vous voulez (Ed. Julliard, 2009), Jean Teulé décrit l’horrible sort réservé par des villageois de Dordogne à un jeune aristocrate pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Pris pour un Prussien, le jeune homme est lynché, torturé, brûlé vif et même pratiquement mangé par des habitants devenus fous. Gustave Le Bon (1841-1931) Peu importe la cause, certaines règles physiques s’appliquent dès qu’on s’agglutine. L’équipe italienne de foot en 1938: 100% fasciste!

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