Extrait Sport & Vie

n o 175 19 on peut aussi tromper les athlètes en leur annonçant en cours de séance que la distance prévue pour une sortie d’en- traînement n’est pas la bonne et qu’il leur faudra parcourir des kilomètres supplémentaires avant de rejoindre les vestiaires. Plusieurs laboratoires ont mené des travaux de ce type pour, c’est indéniable, assouvir l’instinct sadique des chercheurs mais aussi pour étudier les mécanismes d’adaptation suscep- tibles de se mettre en place en cours d’exercice. Commençons par une expé- rience menée il y a deux ans à peine sur des triathlètes par deux scientifiques britanniques (3). Les professeurs Daniel Taylor et Mark Smith (Université de Lincoln en Angleterre) s’étaient intéres- sés à la performance réalisée par leurs sujets dans la section course à pied d’un triathlon en fonction des informations de puissance qu’ils leurs avaient don- nées lors de la section cyclisme. Pour cela, ces triathlètes avaient été invités à effectuer trois fois la même épreuve composée de 750 mètres de natation, 20 kilomètres de vélo et pour finir 5 kilomètres de course à pied. La section de natation était parcourue à chaque fois à la même vitesse, elle était donc a priori sans effet sur la suite de l’épreuve. distinguer deux types d’informations: les «extéroceptives» qui sont fournies par l’environnement, notamment par ces capteurs de puissance, et les «inté- roceptives» qui émanent de l’organisme lui-même, par exemple des muscles, et qui sont transmises par le système ner- veux sensitif. Pierre Rolland fait suffi- samment confiance aux secondes pour envisager de se passer des premières. Comment berner un triathlète Des chercheurs se sont demandé ce qui se passerait si d’aventure on trom- pait des sportifs sur les paramètres de la performance qu’ils sont en train de produire. La question n’est pas franche- ment nouvelle. Elle avait déjà fait l’objet d’études par le passé grâce auxquelles, c’est bien simple, on sait qu’on peut tromper les sportifs sur à peu près tout et n’importe quoi: la durée des efforts, la distance, la puissance, la température, le poids réel d’un haltère… Pratiquement tout! Evidemment, la gamme des proto- coles s’est élargie avec la multiplication des appareils de technologie embarquée qui permettent normalement d’objecti- ver les sensations de l’effort. Plus cruel: charme. On a parfois l’impression d’un immense jeu vidéo. Pour le public, ce n’est pas passionnant. Et qu’en pensent les principaux intéressés, c’est-à-dire les coureurs eux-mêmes? Interrogé à ce propos, le grimpeur français Pierre Rolland ne semble pas particulière- ment inquiet (2). Douze années de pro- fessionnalisme lui ont permis de bien se connaître. Il sait quand il est dans le rouge ou dans le vert. Pas besoin d’ap- pareil pour le lui signaler. Cette capacité à percevoir très finement l’évolution de son état de fatigue et donc à modu- ler l’intensité de son effort en fonction des kilomètres qu’il reste à parcourir a d’ailleurs amené les scientifiques à Pierre Rolland et les capteurs de puissance, un concept pas vraiment vital pour lui. En compétition, chaque seconde compte! Les Allemands Justus Nieschlag et Lasse Lührs terminent au sprint à la Coupe du monde de triathlon à Madrid en mai dernier.

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