Extrait Sport & Vie

n o 173 33 s’apercevoir que, finalement, ce n’était pas l’alcool en tant que tel qui générait l’estime de soi mais l’impression d’en avoir consommé. Ainsi les scores des groupes 1 et 2 progressaient, tandis qu’ils stagnaient dans les groupes 3 et 4. «Cette étude montre que notre rapport à ce que l’on ingère, en l’occurrence de l’alcool, est déterminé par nos croyances sociales et non par la substance elle-même» expli- quait Laurent Bègue en avril 2012. «C’est une pure illusion que de s’imaginer plus séduisant lorsqu’on a ingurgité des bois- sons alcooliques.» Or il existe des cognacs sans alcool. Y aurait-il un tennisman pour tenter l’expérience? (*) Les prix Ig-Nobel (à pronon- cer «ignobles» ) sont décernés chaque année à des tra- vaux qui, de prime abord, paraissent loufoques mais qui, au final, ali- mentent la réflexion. «Des études qui font d’abord rire et puis réflé- chir» précise la charte. Références: (1) The relation of strength of stimulus to rapidity of habit-formation , dans Journal of Comparative Neurology and Psychology, novembre 1908 (2) ‘Beauty is in the eye of the beer holder’: people who think they are drunk also think they are attractive, dans British Journal of Psychology , mai 2012 les réponses avec les taux d’alcoolémie relevés par éthylomètre, il a découvert que plus les sujets étaient imbibés, plus ils avaient confiance en eux (2). Voilà qui ne surprendra pas grand-monde. En vertu du caractère assez prévi- sible de sa conclusion, l’étude en ques- tion sera d’ailleurs honorée d’un prix Ig-Nobelb (*). La suite est plus subtile. Dans un second temps, Laurent Bègue a recruté une petite centaine d’hommes. Tous croyaient tester une nouvelle bois- son alcoolique contre placebo. Sauf que les auteurs avaient brouillé les cartes. Pour certains, l’alcool avait été retiré de la boisson tandis que, dans le groupe placebo, on trou- vait aussi des jus de fruit alcoolisés. Au total, cela faisait quatre groupes de sujets: 1/ ceux qui croyaient boire de l’alcool et qui en buvaient bel et bien; 2/ ceux qui croyaient boire de l’alcool et qui n’en buvaient pas; 3/ ceux qui croyaient ne pas boire d’al- cool et qui en buvaient pourtant; 4/ ceux qui croyaient ne pas boire d’al- cool et qui, effectivement, n’en buvaient pas. On reproduisit l’expérience pour Becker à baptiser son premier fils Noah. Tout ça par la grâce d’un café-cognac! Le champion français confiera avoir passé l’essentiel de sa carrière «bourré» , ce qui est certainement exagéré dans lamesure où il prendra sa retraite en 1991, à peine trois ans plus tard. Mais cette anecdote qui en rappelle d’autres (NB: c’était aussi le secret de Suzanne Lenglen) montre que l’alcool à petites doses permet d’évi- ter l’inhibition que ressentent parfois les joueurs dans les moments-clés du match et que traduit admirablement l’expres- sion «petit bras» . Le labo Voilà plus d’un siècle maintenant que les psychologues Robert Yerkes et John Dillingham Dodson ont démontré l’exis- tence d’une relation en U inversé entre l’éveil (en abscisse) et la performance (en ordonnée) (1). Un degré d’excitation trop bas ou trop élevé empêche l’orga- nisme d’atteindre son niveau optimum de performance. Chez certains joueurs, le stress peut donc être la cause d’une contre-performance. Or l’alcool est un puissant désinhibiteur comme l’a encore montré récemment une étude de Laurent Bègue, directeur du labora- toire interuniversitaire de psychologie de l’Université Pierre-Mendès-France à Grenoble. Il a réuni 19 personnes dans un bar et leur a demandé à plusieurs reprises au cours d’une soirée arrosée de juger sur une échelle de 1 à 7 à quel point ils se sentaient séduisants, intelli- gents, originaux et drôles. En corrélant LISEZ ATTENTIVEMENT LA NOTICE Certains sportifs se trouvent plus per- formants lorsqu’ils sont légèrement alcoolisés. Mais c’est plutôt rare. En général, on attend la fin du match pour trinquer. Qu’est-ce que vous prenez? La bière jouit alors d’une bonne répu- tation comme boisson de récupéra- tion. Trop bonne même! Elle contient des glucides, certes. Mais pas de quoi régénérer les réserves en glycogène. Sa teneur en vitamine B (25 cl) oscille entre 2 et 10% des apports journaliers conseillés. Quant à la vitamine C, elle est autant présente dans un demi-litre de bière que dans 100 grammes d’orange. Autant dire qu’il faut boire vraiment beaucoup de bière pour atteindre l’équi- libre. Mais alors on se trouve confronté à d’autres effets indésirables. L’alcool augmente le niveau de cortisol, l’hor- mone du stress, au détriment de l’hor- mone de croissance et freine de ce fait la mise en place des filières de répara- tion musculaire. Il perturbe également les mécanismes de synthèse osseuse, ce qui expliquerait pour certains spé- cialistes la récurrence des fractures de fatigue chez certains sportifs intempé- rants. Enfin, l’alcool augmente la tem- pérature, ce qui retarde l’entrée dans le sommeil et réduit les phases de som- meil profond. Bref, on fera comme il est écrit sur les bouteilles: « à déguster avec modération ». Martell en tête L a u r e n t B è g u e , c h e r c h e u r e n i v r o g n e r i e Lager et paix

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