Extrait Sport & Vie

n o 172 59 de la concentration de plusieurs subs- tances actives dans ce travail de dépe- çage cellulaire. Leur but est de récupérer les différents constituants afin de les réu- tiliser dans le cadre de nouveaux mon- tages encore plus résistants. Tout cela donne l’impression que les muscles sont capables de renaître de leurs cendres exactement comme le phœnix, cet oiseau légendaire hérité de la mythologie per- sane. Une question se pose néanmoins: est-ce que cette capacité à se régéné- rer diminue avec les années? On peut se refaire une masse musculaire toute neuve après un gros effort, c’est entendu. Mais à combien de reprises à l’échelle d’une vie: dix fois, cent fois, mille fois, à l’infini? Voilà qui constitue un axe de recherche tout à fait passionnant et en prise directe avec les soucis de nombreux pratiquants qui s’inquiètent de voir leurs muscles se flétrir au fil du temps et qui se demandent s’il ne serait pas plus sage de commencer à lever un peu le pied. qui s’entraîne régulièrement verra effec- tivement sa masse musculaire se trans- former en fonction des efforts fournis avec une augmentation du nombre et de la qualité des sarcomères s’il s’agit d’un entraînement en force, ou une multipli- cation des mitochondries si l’on privi- légie plutôt les séances en endurance. Extraordinaire! Fabuleux! Beaucoup d’études essaient d’ailleurs de mieux comprendre les mécanismes qui guident ces adaptations, notamment ce proces- sus appelé autophagie dont nous avons déjà parlé à de nombreuses reprises dans ces pages (*). En clair, les muscles sont capables de se détruire pour se recons- truire ensuite plus solidement. Et c’est l’exercice physique qui sert alors de fac- teur déclenchant. Dans les minutes qui suivent la fin de l’effort, diverses mesures mettent en évidence une augmentation UNE HISTOIRE SANS FLUX Pour se représenter l’autophagie, c’est-à-dire la capacité du muscle à digérer lui-même ses propres constituants, rien ne marche aussi bien que se souvenir de Pac-Man. Ce jeu vidéo sortit au début des années 80 et connut un immense succès au même titre que Tetris, le démineur ou Mario Kart. Dans Pac- Man, une grande bouche circulait dans un labyrinthe et devait gober un maximum de Pac-gommes sans se faire avoir par les fantômes, si on se souvient bien des règles. Les autophago- somes fonctionnent à peu près de la même manière et dévorent le plus vite possible un maximum d’éléments cellulaires. Il ne manque que la petite musique. Une différence toutefois: plutôt que d’ouvrir et fermer leur grande bouche comme Pac-Man, ils se servent d’une protéine, la LC3, comme d’un couvercle pour contenir le chargement dans la vésicule sans risque de débor- dement. Depuis quelques années, les chercheurs ont donc pris l’habitude de quantifier cette protéine LC3 pour se faire une idée des processus en cours. Si la concentration de LC3 s’élève, ils en déduisent que l’autophagie augmente elle aussi et inverse- ment. Aujourd’hui, il apparaît pourtant que cette interprétation est erronée. Car les autophagosomes ne se contentent pas de boulotter les gommes comme Pac-Man. De temps à autre, il faut aussi qu’ils aillent se décharger de leur cargaison. Pour cela, ils se rendent auprès d’une autre vésicule appelée lysosome et lui vomissent dans la gueule. Excusez la rudesse de l’expression. Mais nous n’en avons pas de meilleure pour décrire ce mode de transfert. Lors de l’opération, la protéine LC3 est dégradée, ce qui biaise évidemment l’interprétation des résultats. Une augmentation de LC3 peut donc tout aussi bien signifier une élévation de l’autophagie qu’une panne dans le système de déversement. A contrario, une diminution de LC3 peut signifier un recul de l’autophagie ou alors un travail extrêmement per- formant de la part des lysosomes qui surclassent même l’ac- tivité pourtant accrue des autophagosomes! Avouez que c’est complexe et que les risques de mauvaise interprétation sont partout! Dans les expériences menées sur des animaux, on a résolu le problème en utilisant une solution nocive pour bloquer les échanges entre l’autophagosome et le lysosome, ce qui per- met de mesurer précisément les flux autophagiques (destruc- tion des composants cellulaires). Pour mesurer des flux mito- phagiques (destruction des mitochondries), on procède plus ou moins de la même manière en ayant précédemment isolé les mitochondries par des séries de centrifugations. Les études sur des animaux donnent donc plus ou moins satisfaction. Reste à trouver le moyen pour mesurer ces flux chez l’humain. Sans recourir aux mêmes poisons. (*) Lire «Les muscles cannibales» dans Sport et Vie n°125 et aussi «Un cerveau propre et net» dans Sport et Vie n°164 Cassez-vous! SOS Fantômes Dépôt d’ordures

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