Extrait Sport & Vie

n o 166 51 permettait d’y fixer un certain nombre de rondelles pour varier les charges. A ce titre, Triat s’inscrit de plein droit parmi les grands inventeurs de l’édu- cation physique moderne avec, dans son chef, une attention particulière portée au développement de la masse musculaire, ce qui s’explique par sa carrière partagée entre lecture des manuels hygiénistes et torsion de fers-à-cheval. sa naissance, le jeune Triat fut recueilli par une famille de circassiens. Comme il était de constitution robuste et que, dans lemilieu du cirque, tout lemonde se doit de participer au spectacle, il mit au point un numéro d’athlète-ar- tiste qui consistait à soulever un tas d’objets pesants et à plier des barres de métal. A ses 16 ans, il profita d’une blessure pour prendre congé de la troupe et entamer des études dans un collège jésuite (*). Six ans plus tard, on le retrouvait sur la piste, mais enrichi d’un gros bagage scientifique qui l’ai- dait à concevoir de nouveaux tours. Ensuite, Triat délaissa la vie de saltim- banque pour se consacrer à l’ensei- gnement, ouvrant ses premiers gym- nases à Bruxelles et à Paris, gymnases où se pressèrent bientôt les repré- sentants de la bonne société, tous épris de cette nouvelle mode anglo- saxonne qui consistait à soigner sa forme. On dit même que Napoléon III comptait parmi les clients de ces salles de fitness rebaptisées «Temples de la régénération humaine» . Rien de moins! Pendant toutes ces années, Hippolyte Triat put écrire, innover, expérimenter. Il dessina par exemple de nouveaux appareils de tirage pour développer tous les muscles du corps. Il imagina aussi des haltères équipés de barres beaucoup plus longues que les anciens modèles à boules, ce qui D ans l’imaginaire collectif, la force est symbolisée par celui qu’on appelait Hercule chez les Romains ouHéraclès chez les Grecs. Un type pas malin-malin si l’on en croit les auteurs de la mytho- logie. Et surtout très brutal! Rap- pelons qu’un jour de grosse colère, Hercule lança un tabouret à la tête de son professeur de musique, un dénommé Linos. D’autres parlent d’une lyre. Mais franchement, l’usage d’un tabouret dans ce contexte nous paraît plus crédible. Linos mourut sur le coup! Quelques années plus tard, dans un autre accès de rage dont il avait le secret, Hercule tua carrément sa femme et leurs huit enfants. En guise de pénitence, il dut accomplir les fameux douze travaux d’intérêt général qui participeront beaucoup à sa gloire. Bref Hercule était à la fois costaud et bas de plafond. On imagine que cela devait embarrasser les spor- tifs de l’Antiquité dans la mesure où beaucoupde compétitions de l’époque lui étaient dédiés. A commencer par les Jeux olympiques. Et d’ailleurs les sportifs actuels ne s’en tirent pas telle- ment mieux puisque perdure souvent cette association entre performances physiques et rusticité intellectuelle. Or ce lien ne se justifie pas. Dans l’his- toire des sports de force, on trouve un tas de personnalités brillantes, éru- dites et pourtant sportives, comme le Français Hippolyte Triat (1812-1880) qui vécut une vie passionnante à la lisière du sport, des sciences et des arts de la scène (1). A la mort de ses parents, survenue peu de temps après (*) Selon la légende, Hippolyte Triat se serait brisé la jambe en maîtrisant un cheval emballé, sauvant ainsi la vie d’une femme qui, en guise de récompense, prit en charge les frais liés à sa scolarité. Le moment du crime Hippolyte Triat, le gardien du temple

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