Extrait Sport & Vie

n o 165 51 En apnée, Julie est totalement libre de ses mouvements. Cela procure une dynamique spéciale au film. Cette liberté est impossible avec des bou- teilles car le plongeur doit alors suivre des règles strictes: ne pas passer trop de temps en profondeur par exemple ou moduler sa vitesse de remontée pour éviter les accidents de décom- pression. En outre, il doit veiller en permanence aux bulles qu’il relâche de telle sorte qu’elles ne rentrent pas dans le champ de la caméra. Au final, le maniement de la caméra en apnée constitue un peu notre marque de fabrique, à Julie et moi. Cela implique un excellent timing et un gros engage- ment physique. Vos films ont eu un succès fou! Je crois que vous en êtes à plusieurs dizaines de millions de vues sur internet. Est-ce que cela vous a surpris? Au début, oui. Nous n’avions pas d’am- bition de ce type. On ne préparait rien avant de plonger. C’était de l’im- provisation à l’état pur. On prend la serait difficilemême à imagi- ner pour moi. Vous-même, vous avez failli y laisser votre peau. Cela s’est passé à Chypre en septembre 2015, aux cham- pionnats du monde d’apnée. J’avais le projet de des- cendre à moins 129 mètres. J’étais entraîné pour cela. Ce jour-là, il s’est produit une erreur inimaginable dans une compétition de ce niveau. Plutôt que 129 mètres, le filin-guide mesu- rait en réalité 139 mètres. Une erreur de dix mètres, c’est énorme. J’étais tellement concentré que je ne m’en suis pas rendu compte et je suis allé au fond. En remontant, j’ai fait une syncope et un œdème pulmonaire qui auraient pu m’être fatals. Depuis lors, j’ai arrêté la compétition. Mais pas l’apnée. Il ne s’agit plus de sport mais de garder le lien avec l’étrange bon- heur que procure le fait de se déplacer dans un environnement qui échappe aux principes de la vie terrestre. Vous avez tourné des images proprement stupéfiantes où l’on vous voit en train de marcher et même courir sur les fonds marins. Comment procédez-vous? C’est ma femme, Julie Gautier, qui tient la caméra. On plonge en apnée tous les deux. Elle tourne et moi, je réalise des figures: des sauts, des courses, des roulades. Je joue avec les différentes pressions que l’on rencontre aux grandes profondeurs. C’est complètement euphorisant. Sous l’eau, grâce à la poussée de flottaison qui annule en partie la gravité, je suis en mesure de reproduire des mouvements de terrien en état d’apesanteur, ce qui procure chez le spectateur une impres- sion de mouvement en totale liberté. Au bout d’un moment, on remonte à la surface pour respirer. Et puis on replonge. Comme des enfants. On peut rester dans l’eau une journée entière. Qu’est-ce que cela apporte au film que le preneur d’images soit lui aussi en apnée? Il pourrait être équipé de bouteilles. (Silence) Je suis mal placé pour vous répondre. Pour moi, oui, cela en vaut la peine. Personnellement, je ressens un immense bien-être à évoluer dans les eaux profondes. L’apnée constitue un élément d’équilibre dans ma vie. Quand je suis à Nice, je vais plonger même en hiver. Vivre loin de la mer, ce Chypre 2015, ma dernière " compet " Des images à couper le souffle!

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