Extrait Hors-série L'Objet d'Art n°165

4 L’OBJET D‘ART HORS-SÉRIE 165 Germaine Richier Conservatrice en chef des collections modernes, musée national d’Art moderne, commissaire de l’exposition Sculptrice majeure du !! e siècle, Germaine Richier (1902-1959) a béné"cié d’une notoriété fulgurante de son vivant. Depuis sa disparition prématurée, force est pourtant de constater qu’elle n’a pas eu en France toute l’a#ention qu’elle mérite. Le Centre Pompidou replace l’artiste sur le devant de la scène en lui consacrant une rétrospective magistrale, organisée en partenariat avec le musée Fabre de Montpellier. Propos recueillis par Myriam Escard-Bugat Photo © H. Véronese Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette ambitieuse exposition? En 1956, Germaine Richier est la première artiste femme à faire l’objet d’une exposition de son vivant au musée national d’Art moderne. C’est alors pour elle une consécration, qui témoigne de sa place majeure dans la création contemporaine. Cette trajectoire est vite interrompue par sa disparition précoce en 1959. Depuis lors, ses sculptures n’ont cessé d’habiter les salles du musée, au Palais de Tokyo puis au Centre Pompidou. Mais nous souhaitions depuis longtemps lui consacrer une rétrospective complète pour a!rmer la singularité de son parcours et de sa création, en particulier en la sortant de l’ombre d’Alberto Giacometti auquel elle est souvent comparée. Ce désir s’est vraiment concrétisé à l’occasion de l’exposition de quelques bronzes de l’artiste organisée dans l’abbaye du Mont-Saint-Michel en 2017 (pour les 40 ans du Centre Pompidou). Aucun artiste mieux que Richier ne pouvait occuper ce lieu chargé d’histoire et d’un rapport très fort aux éléments, aux rochers, au vent, à l’eau… Avez-vous découvert des œuvres et des documents inédits, permettant de renouveler les connaissances ? Si Richier travaille d’abord le modelage pour créer des sculptures en bronze, elle expérimente divers matériaux qui l’amènent à créer des pièces uniques, notamment les plombs, qu’elle fond elle-même en intégrant des morceaux de verre coloré, et des œuvres polychromes. L’exposition réunit beaucoup de ces pièces uniques peu connues, qui permettent au public de découvrir toute la diversité de sa création. Concernant les fonds d’archives, pour beaucoup encore en mains privées, nous avons mené une véritable enquête depuis trois ans en France, Entretien avec Ariane Coulondre en majesté en Suisse, en Belgique, à Londres et aux États-Unis, où l’artiste a plusieurs fois exposé. Ces fonds, en particulier les correspondances entre Richier et ses proches, constituent une mine d’informations qui reste encore à exploiter pleinement. Les lettres permettent de savoir ce qu’elle fait et pense presque au jour le jour ! On y mesure sa place centrale au sein des cercles artistiques et littéraires de l’époque. Entre autres anecdotes, on y découvre son amitié avec Jean Dubu"et et sa rencontre avec le psychanalyste Carl Gustav Jung. On apprend qu’elle a aussi été beaucoup photographiée : par Brassaï bien sûr, mais aussi par Irving Penn ou encore Agnès Varda, qui fait des photographies en couleur de son atelier (voir p. 2-3). Il n’existe pas de catalogue raisonné de son œuvre? La nièce de l’artiste, Françoise Guiter, a travaillé tout au long de sa vie pour

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