Extrait L'Objet d'Art
présente d’ailleurs ainsi à Vieira da Silva et Szenes l’esprit de la donation en 1971 : « la “grande” peinture n’a pas de frontières... et je crois que c’est là où résidera la vérité du musée de Dijon : pas de séparation, la continuité dans la durée, pas de maison sé- parée avec écriteau “musée d’Art moderne” ; non, on ne mettra pas les artistes d’aujourd’hui en “quarantaine” [...] et puis, nous avons avec nous une équipe de jeunes pour qui votre apport, par le truchement de la donation, a été d’emblée une fenêtre ouverte sur l’avenir 3 . » Si à première vue la donation peut sembler éclectique, tant ses ramifications sont multiples, c’est en réalité ici que l’œil des collectionneurs et l’œil de l’artiste trouvent leur union. Les Granville déambulent en pleine conscience dans le labyrinthe de Vieira da Silva en construction, acquérant ses œuvres au fur et à mesure de son élaboration. UNE COLLECTION INTIME ET FIDÈLE Le couple fréquente dans les années 1930 l’hôtel des ventes de Drouot et les galeries présentant les artistes de l’école de Paris : Jeanne Bucher, Pierre Loeb et Pierre Guillaume. Par leur biais, il sympathise avec les artistes qu’ils représentent et devient le visiteur assidu de leurs ateliers. Les Granville rencontrent Maria Helena Vieira da Silva et son époux Arpad Szenes en 1931 4 , mais Vieira raconte avoir admiré Kathleen, trois ans plus tôt, dès 1928, dans le rôle du pingouin dans Les Oiseaux d’Aristophane, mis en scène par Charles Dullin au Théâtre de l’Atelier à Paris. C’est le début d’une grande amitié qui liera plus particulièrement Kathleen et Vieira. Les Granville sont présents aux dîners du samedi que donne le couple d’ar- tistes à la Villa des Camélias à Paris, dans le 14 e arrondissement, et Vieira invite Kathleen en vacances à l’été 1939, à la toute veille de la guerre. De ce voyage à l’île de Ré, le musée de Dijon conserve des dessins d’Arpad Szenes représentant les deux amies. Les archives du peintre Julian Trevelyan, proche de Vieira da Silva, révèlent un ensemble de photographies de vacances inédit (Londres, Tate Modern), où l’artiste apparaît insouciante, bien loin des portraits graves qui seront faits d’elle en peinture ou en photographie. Cet attachement favorise et nourrit naturellement l’intérêt des Granville pour les œuvres des deux artistes. L’œuvre la Le Salon à Lisbonne , 1939 Crayons de couleur, rehaussé de gouache, sur papier, 21,8 x 27,6 cm Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 (offert par l’artiste en 1939) 24 L’OBJET D’ART HORS - SÉRIE MARIA HELENA VIEIRA DA SILVA LES GRANVILLE, VIEIRA DA SILVA ET DIJON
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz