Extrait L'Objet d'Art

L’OBJET D’ART | Modernités suisses 13 Au tournant du XX e siècle, par le biais des voyages, des revues ou des collectionneurs, Ferdinand Hodler, Cunot Amiet, Giovanni Giacometti et leurs confrères se montrent plus que jamais réceptifs aux expérimentations de l’avant-garde européenne. Par Fanny Drugeon UNE JEUNE NATION PLURIELLE Le fédéralisme propre à la Suisse a pour conséquence la coexis- tence de plusieurs centres artistiques bien distincts. La Suisse alémanique, dont est issu Cuno Amiet par exemple, couvre plus de la moitié du territoire et a pour pôles majeurs Zurich, Berne et Bâle, où l’un des premiers musées publics européens, le Kunstmuseum, a ouvert dès 1661. Région francophone de l’ouest de la Suisse, le pays romand, organisé autour de Neuchâtel et Genève, regroupe de nombreux peintres parmi lesquels Ferdinand Hodler, Alexandre Perrier, Alice Bailly et Albert Trachsel. C’est également là, dans le canton du Valais, que se forme vers 1900 l’École de Savièse (unique « école » suisse) qui réunit autour d'Ernest Biéler des peintres en quête de nature. Enfin, dans le canton trilingue des Grisons, jouxtant le Tessin et la Suisse italienne, œuvrent Giovanni Segantini, ainsi que Giovanni et Alberto Giacometti. ARTISTES EN MOUVEMENT Les peintres se confrontent aux avant-gardes européennes au gré de leurs voyages. À Paris, l’impressionnisme cède alors la place aux expérimentations chromatiques des néo-impres- sionnistes, aux recherches sur les volumes de Cézanne ou encore aux symbolistes et aux Nabis dont se rapprochent Vallotton et Hodler. Le Salon d’automne, qui voit éclater le scandale fauve en 1905, joue un rôle majeur grâce à des expositions-hommages qui marquent les esprits (Gauguin en Giovanni Giacometti, Vue sur Capolago et le lac de Sils , vers 1907 Huile sur toile, 51,5 x 60 cm. Paris, musée d’Orsay. Photo service de presse © RMN (musée d’Orsay) – H. Lewandowski 1906, Cézanne l’année suivante). Les académies privées attirent les artistes étrangers, telle l’académie Julian qui ouvre en 1866. Le symbolisme international a une incidence non négligeable sur les artistes suisses qui séjournent à Bruxelles, où se développe également l’Art nouveau, et à Munich. Si cette ville attire les jeunes peintres grâce à son Académie des beaux-arts, elle voit aussi l’expressionnisme prendre progressivement forme. Quant à l’Italie, où séjournent Segantini et les Giacometti, elle est encore marquée par l’influence des Macchiaioli, « tachistes » actifs au milieu du XIX e siècle, et accueille la révolution futuriste dont le manifeste est publié en 1909. L’ancrage de ces artistes est européen plutôt que strictement suisse. Tous se retrouvent aux Sécessions munichoises, au Salon des XX à Bruxelles, aux Biennales ou aux Expositions universelles. Si les idées et les styles circulent avec les artistes et les expositions, il ne faut pas oublier non plus le rôle pri- mordial des revues. Creusets d’échanges, elles se multiplient tout particulièrement durant les années 1880, du Mercure de France parisien, refondé en 1890, aux Blätter für die Kunst allemandes. En Suisse, la NZZ ( Neue Zürcher Zeitung ), fondée en 1780 et dirigée un temps par Johann Heinrich Füssli, contribue, par ses rubriques culturelles et étrangères, à cette ouverture internationale, tout comme la Gazette de Lausanne à laquelle collabore Vallotton, également sollicité par La Revue blanche , fondée à Liège en 1889, puis transférée à Paris, et qui diffuse la peinture des Nabis. VERS L'AVANT-GARDE

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