Extrait L'Objet d'Art

L’OBJET D’ART HS 144 / 11 depuis des modèles puisés dans les estampes et objets chinois. Ses sujets, conçus comme des vignettes facile- ment adaptables, ont été utilisés long- temps dans les arts décoratifs en France mais aussi en Europe. Outre la série des dix peintures, quelles sont les autres œuvres phares de l’exposition qui per- mettent de mieux appréhender ce goût pour la chinoiserie ? Les tapisseries, dont nous avons déjà parlé, permettent d’illustrer le lien fort entre Boucher et les arts déco- ratifs, qui ne fut pas réservé à la Chine puisque Boucher a donné les modèles de cinq autres tentures à Beauvais. Nous avons obtenu de nombreux prêts majeurs tels que les « tableaux de mode » habituellement dispersés entre Madrid, New York et le Louvre, dont la réunion est excep- tionnelle, de même que la juxtaposi- tion des dessus-de-porte en bleu et blanc et du mobilier de Choisy, le regroupement de plusieurs pièces d’un service en porcelaine d’un grand raffinement produit par la manu- facture de Vincennes, le prêt de plu- sieurs dessins jamais exposés, de deux vases aux montures parti- culièrement luxueuses prêtés par un collectionneur, de même qu’un brûle- parfum (appelé « pot-pourri » au XVIII e siècle) en porcelaine monté en bronze qui a vraisemblablement appartenu à Boucher lui-même et deux ravissants Watteau provenant du décor du pavillon de la Muette. Comment, en conclusion, l’ex- position vient-elle renouveler d’une manière plus générale l’appréhension du goût rococo pour les chinoiseries et, en son sein, l’influence de Boucher ? Sa Seconde tenture en constitue- t-elle un point d’orgue, un jalon essentiel ? On constate que les amateurs de sujets chinois inventés par Watteau et surtout Boucher sont aussi, en grande majorité, des collectionneurs d’art asiatique. L’exposition permet de montrer la porosité entre les modèles des objets chinois importés et leur traduc- tion, dont Boucher est l’auteur prin- cipal et presque exclusif. Les cartons de Besançon sont peints en 1742, au moment où l’intérêt pour la Chine est le plus fort et alors que Boucher a complètement assimilé les sources à sa disposition. Les compositions des tapisseries fonctionnent en partie sur le même principe de vignettes à figures et de collages développé par Boucher et Huquier dans la gravure. L’exposition est riche des recherches récentes qui élargissent considérable- ment notre regard sur Boucher. Elle fait le lien, pour la première fois, entre l’activité artistique d’un peintre majeur, très influent dans le milieu de l’art mais aussi le commerce de ce que l’on appelait la curiosité, et son activité de collectionneur. Boucher démontre une capacité géniale à assimiler des sources diverses pour les transcrire dans un vocabulaire susceptible de plaire à ses contemporains, et qui conserve son pouvoir fascinant deux siècles et demi plus tard. François Boucher, Médecin chinois , du Recueil de diverses Figures chinoises du Cabinet de Fr. Boucher […], vers 1740. Eau-forte et burin Paris, bibliothèque des Arts décoratifs, cote Maciet 229/8/45-56 © Paris, MAD Manufacture de Vincennes, Paire de seaux à bouteille ordinaire, vers 1750-52 Porcelaine tendre, H. 19,7 ; D. 19,4 ; L. 26,1 cm (aux anses). Sèvres, Cité de la céramique, inv. MNC 16058 © RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique) - photo Martine Beck-Coppola

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