Extrait L'Objet d'Art

L’OBJET D’ART 11 l’emmenant aux courses, au zoo ou encore dans les écoles d’équitation. Passionné d’art et s’adonnant lui-même à la peinture, il introduit son fils dans les milieux artistiques qu’il court, confiant même sa formation à son ami et peintre favori René Princeteau (1843-1914) qui excelle en tant que peintre équestre. Durant plus de cinq années, il partage avec le jeune homme sa pratique artistique. Henri découvre en sa compagnie le vaudeville et le cirque Fernando, fré- quenté par de nombreux artistes, comme Seurat ou Degas. L'une des premières rencontres marquantes a lieu durant cette période, toujours par le truchement de son père, avec l’artiste Jean-Louis Forain (1852-1931). La force et l’acuité de son regard sur la société contemporaine à travers la caricature frappent le jeune garçon qui l’admirera toute sa vie, même s’il s’en éloigne, comme l’attestent les mots de Maurice Joyant à propos d’un portrait du père d’Henri réalisé par Forain : « [Il] a été pour lui […] le sujet d’une ad- miration que les années ne purent atténuer. Lautrec avait toujours ce portrait devant les yeux, le considérant comme un exemple de ce que doit être un beau dessin 1 . » _ LE VIRUS DE LA PEINTURE _ Nourri par ces fréquentations artistiques, le jeune Henri noircit de nombreux carnets de croquis, notamment lors des longs mois d’immobilisation à cause d’une première fracture à la jambe en 1878, puis d’une seconde en 1879. Il dessine des cavaliers, des soldats, des animaux, des let- trines, s’essayant aussi bien à l’aquarelle, au pastel qu’à l’encre ou à la sanguine, préfigurant ainsi le style direct et _ UNE ENFANCE CHOYÉE _ Depuis sa mort en 1901, l’image et l’œuvre de Tou- louse-Lautrec sont souvent indissociables des bordels et cabarets parisiens de la fin du XIX e siècle. Il est le peintre des mœurs les plus basses et des loisirs les plus populaires, notamment à travers ses affiches pour le Moulin Rouge qui restent parmi les plus célèbres. Pourtant, c’est loin des tumultes de la vie montmartroise, au sein d’une des plus vieilles familles de la noblesse française que naît à Albi en 1864, Henri de Toulouse-Lautrec-Monfa. Son patronyme nous éclaire sur son ascendance directe avec les comtes de Toulouse, remontant ainsi jusqu’aux croisades du XI e siècle auxquelles ses aïeux ont participé. L’un d’eux avait épousé la vicomtesse Alix de Lautrec, elle-même héritière des seigneurs de Monfa. Par un jeu d’alliance à la fin du XVIII e siècle, la famille possède une fortune considérable, un château, plusieurs résidences et plus d’un millier d’hectares de vignobles. Henri, appelé ainsi en hommage au comte Henri de Chambord, héritier légitime du trône de France et dernier descendant de Louis XIV, est donc issu d’un mi- lieu social privilégié où il grandira dans un environnement empreint de culture, d’érudition et de traditions. Au-delà de cette extraction nobiliaire qui ne le prédestine en rien à la carrière de peintre, la vie de Toulouse-Lautrec est marquée par son handicap dû à une maladie génétique. La dystrophie dont il souffre freine la croissance de ses membres. Il mesure moins d’un mètre soixante, ses mains sont démesurées, son crâne mal formé, et son visage dis- gracieux. À cela enfin s’ajoute son problème d’alcoolisme qui ne fera qu’empirer lors de ses virées dans la capitale. Néanmoins, sa maladie et cette enfance albigeoise, aux antipodes de la vie nocturne parisienne qu’il dépeindra plus tard, ne l’empêcheront pas de mener une carrière artistique, en particulier grâce à certains membres de sa famille. Le jeune Henri développe très tôt un goût pour le dessin, qu’il pratique avec talent. Il arrive à Paris en 1873 accompagné de sa mère pour y suivre les cours du lycée Fontanes, futur lycée Condorcet. Il y rencontre notamment Maurice Joyant (1864-1930), qui jouera un rôle important dans la reconnais- sance de l’œuvre du peintre après sa mort. Durant cette jeunesse heureuse, son grand-père le comte Raymond de Toulouse-Lautrec, dessinateur amateur, et son oncle Charles, amateur d’art, l’initient à la vie artistique. Son père Alphonse lui fait découvrir les loisirs de la vie parisienne en Quand on pense que je n’aurais jamais été peintre si MES JAMBES avaient été un peu plus longues… HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC. Étude de chevaux , vers 1880. Crayon sur papier, 17 × 27 cm Collection privée © Bonhams, London, UK / Bridgeman Images « »

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