Extrait L'Objet d'Art

3 SEPTEMBRE 2021 L’OBJET D’ART Chères lectrices, chers lecteurs, Comment rendre l’art accessible aux enfants ? Le dossier principal de ce numéro de L’Objet d’Art est consacré aux grands décors dumusée Carnavalet, qui a rouvert ses portes juste avant l’été, objet aussi aux Éditions Faton, d’un très beau Dossier de l’Art* . Construit dans la deuxièmemoitié du XVI e siècle pour Jacques de Ligneris, président du Parlement de Paris, agrandi au XVII e siècle par François Mansart, résidence de Madame de Sévigné et de sa famille, l’hôtel Carnavalet est acquis par la Ville de Paris au moment où le préfet Haussmann métamorphose la capitale et devient en 1880 le pre- mier musée de l’histoire de Paris. Un siècle plus tard, en 1989, l’hôtel voisin Le Peletier de Saint-Fargeau lui est annexé. Ses collections, sans cesse enrichies, comptent au- jourd’hui plus de 625 000 œuvres. Un budget de rénovation de 58,3 millions d’euros (financé à près de 95% par la Ville de Paris) et quatre années de travaux ont permis ce « nouveau » Carnavalet, qui n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, avec d’heureuses réussites et d’autres, moins bonnes. Lesmoins bonnes, ce sont un parcours resté labyrinthique – pouvait-il en être autrement dans l’espace contraint d’anciens hôtels particu- liers ? –, un accrochage très dense, trop presque, avec 60% d’œuvres en plus exposées, multipliant à l’envi les cloisons, et des manques surprenants, tels que l'absence des nombreux projets de décors pour lesmonuments parisiens, ou l’amputation dumagnifique cafémilitaire de Ledoux, réduit à deux malheureux panneaux. Que dire aussi de la pauvreté du passage créé entre les deux hôtels et de cet escalier contemporain sans génie qui troue la première salle des enseignes et trouble, à l’arrière-plan de ses arcades, l’intimité de l’argent de l’extraordinaire salle de bal Wendel ? Mais la victoire, c’est évidemment la magnifique restauration des fa- çades, la mise aux normes des bâtiments, le redéploiement chrono- logique de l’ensemble des collections et les importantes campagnes de restauration entreprises. Pour la première fois, l’archéologie, du Mésolithique à la Renaissance, a droit de cité dans le musée et prend Carnavalet, en!n ! place dans le sous-sol nouvellement aménagé de l’hôtel Carnavalet. Et malgré lesmanques et les confusions, l’extraordinaire richesse des collections du musée se dévoile à nouveau : il ne faut pas résister au plaisir d’aller les retrouver ! Leur accrochage – et celui de bien d’autresmusées – pose néanmoins une question : comment rendre l’art accessible aux enfants ? Sur les 3 800 œuvres exposées, 10 % le sont à hauteur d’enfant, une mode venue, semble-t-il, des musées nord-américains. À la question posée par un jury du grand oral d’une grande école pré- paratoire à la haute administration française – quelle est la hauteur du Danube à Vienne ? – un candidat aurait répondu : « sous quel pont, Monsieur ? » À hauteur d’enfant, oui, mais de quel âge ? Grande section dematernelle pour le portrait de Molière jouant le rôle de César dans La Mort de Pompée par Nicolas Mignard accro- ché à environ 60 cm du sol ? Sortie de crèche pour admirer les pieds de Juliette Récamier et ceux de sa chaise à l’étrusque par le baron Gérard, sur son portrait placé dans le nouveau parcours dumusée, avec beaucoup d’autres grands formats XIX e , dans des salles trop basses de plafond ? Ou entrée en cinquième et premiers émois amoureux pour une vue frontale sur son troublant décolleté ? Ce nivellement par le bas, au sens propre comme au sens figuré – qu’avait déjà souligné la polémique sur les chiffres romains bannis d’une petite partie des cartels du musée – laisse perplexe, au moins sur la capacité des enfants à accomplir une certaine gymnastique oculaire qui consiste à lever les yeux. Chères lectrices, chers lecteurs, faites l’effort de lire votre Objet d’Art : vous y trouverez, outre ces somptueux grands décors de Carnavalet, une synthèse tout à fait intéressante sur les pastels de Fragonard acquis par le Louvre et leur authenticité et bien d’autres articles pas- sionnants encore. Une excellente rentrée ! * à commander sur www.faton.fr © Cyrille Weiner ÉDITORIAL

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