Extrait L'Objet d'Art

39 FÉVRIER 2021 L’OBJET D’ART UN PARCOURS EXCEPTIONNEL Né à Dole (Jura) dans unemodeste famille de tanneurs, Louis Pasteur (1822-1895) s’éteint couvert de gloire et d’honneurs àMarnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine), sur le domaine de Villeneuve-l’Étang qui avait appartenu à Napoléon III avant de lui être en partie concédé pour mener ses recherches. Sans explorer dans le détail les travaux scientifiques variés dans lesquels Pasteur s’est illustré, on peut évoquer à grands traits sa carrière hors pair. À l’origine de véritables révolutions scientifiques dans les domaines de la biologie et de la médecine bien sûr, mais aussi de l’agriculture et de l’industrie (on songe entre autres aux vaccins contre le choléra des poules et le charbon des moutons ou au procédé de la pasteurisation), ce travailleur aussi acharné que passionné a inlassablement poursuivi ses recherches sa vie durant. Ni les graves problèmes de santé qui l’affectent à partir des années 1870, ni ses nombreux détracteursneledétournerontdesesobjectifs.Ilfautdire que notre homme sait bien s’entourer et peut compter sur l’aide active de son épouse Marie Laurent, fille du recteur de la faculté de Strasbourg qui fut sans conteste son « meilleur collaborateur » 1 . En 1885, Pasteur est déjà auréolé de nombreux succès et en partie paralysé lorsqu’il se rend célèbre dans le monde entier grâce à la réussite du vaccin contre la rage appliqué à l’homme. Cette reconnaissance internationale lui permet de lancer une vaste souscription pour faire construire en 1888 l’institut Pasteur, dans le XV e arrondissement de la capitale. Et c’est au sein même de cet institut que sera inhumé ce « bienfaiteur de l’humanité » après des funérailles nationales, son épouse refusant la panthéonisation prévue par le gouvernement. Son tombeau se dresse au centre de l’éblouissante crypte (cf. p. 42) de style néo-byzantin conçue par l’architecte Charles-Louis Girault et entièrement recouverte de mosaïques chatoyantes réalisées par l’atelier Guilbert- Martin d’après les compositions de Girault lui-même et du peintre d’histoire Luc-Olivier Merson ; desmosaïques qui retracent en image les prolifiques travaux de Pasteur. DE LA VACCINE AU VACCIN Le mot « vaccin » est aujourd’hui dans toutes les bouches et suscite bien des passions, mais en connaissez-vous l’origine ? Soigner le mal par le mal en inoculant une forme peu virulente d’un virus pour protéger les individus est déjà répandu dès le XI e siècle en Chine. Au début du Siècle des lumières, la pratique est importée en Occident via la route de la soie. Voltaire observe ainsi en 1734 que l’évêque de Worcester prêche l’inoculation « en pasteur charitable », précisant toutefois que « les Anglais sont plus philosophes et plus hardis que nous » (XI e lettre philosophique)... La méthode, en effet fort controversée en France sous le règne de Louis XVI, se répand essentiellement au sein de l’aristocratie. Popularisé par Pasteur, le terme de « vaccin » rend hommage à Edward Jenner. À la fin du XVIII e siècle, ce médecin de campagne anglais observe que la vaccine, maladie bénigne des vaches (« vacca » signifie vache en latin), ressemble à la terrible variole des hommes, fort contagieuse et redoutée à cette époque car un tiers des malades en meurent et les autres restent bien souvent défigurés... Voyant que les fermiers en contact régulier avec des bovins ne contractent pas la variole lors des épidémies, il injecte la vaccine à un enfant qui s’avère être immunisé. S’il n’est pas le premier à travailler sur ce virus, Jenner est un pionnier dans l’étude scientifique de l’inoculation, ce qui lui vaudra le titre de « père de l’immunologie ». Ses méthodes sont reprises par Pasteur qui perfectionne et généralise le procédé à de nombreux virus affectant les animaux, avant de se pencher sur ceux qui touchent l’homme – il travaille non seulement sur le choléra, la diphtérie, la fièvre jaune, le paludisme, la peste, la syphilis, la poliomyélite mais aussi la tuberculose, la typhoïde ou le tétanos... Il se montre d'autant plus déterminé que trois de ses cinq enfants ont été emportés en bas âge (Jeanne, l’aînée, meurt à 9 ans de la fièvre typhoïde). 1 Selon Émile Roux, médecin qui fut l’un des plus proches collaborateurs de Pasteur. L’entrée de la crypte funéraire, marquée par un portail en fer forgé, affiche l’alliance des mosaïques dorées et des marbres qui recouvrent l’intégralité de la chapelle. © Olivier Panier des Touches louis pasteur le virus des sciences et de l ’ art

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