Extrait L'Objet d'Art

La chapelle Saint-Joseph vue depuis la rue Colson. © Adobestock 8 L’OBJET D’ART DÉCEMBRE 2020 LILLE : UNE ÉGLISE MENACÉE... PAR DES CATHOLIQUES « Aide-toi, le ciel t’aidera ». Interprétant curieusement ce célèbre adage, l’université catholique de Lille prépare la destruction... d’une chapelle catholique. On se souvient de la rage jacobine pour abattre les églises du passé comme des dégâts terribles des deux guerres mondiales ; on se souvient des promoteurs avides des Trente Glorieuses et des laïcards, comme le maire d’Abbeville qui fit sauter, il y dix ans, l’église Saint-Jacques. Que de monuments de la Foi rasés, supprimés, liquidés depuis deux siècles ! Dans le centre de Lille, l’Église préfère rester en famille : elle s’auto-détruit ! Un nouvel épisode du chaos patrimonial français. L’école Saint-Joseph En 1876, les Jésuites fondaient à Lille, rue de Solférino, une école libre, plus tard appelée le collège Saint-Paul. Par son implantation dans le quartier Vauban et son architecture monumentale, l’établissement témoignait d’une ambition double : affirmer la présence de l’Église dans la ville, et magnifier les foyers de l’enseignement religieux. La rechristianisation de la France, lancée après le Concordat et surtout la Restauration, était alors dans un mouvement ascendant, qu’allait bientôt briser la po- litique antireligieuse de la jeune République. Pour l’établissement, l’architecte lillois Augustin-Henri Mourcou (1823-1911) réalise en 1886-1887 un grand ensemble, formé d’un bâtiment en L rue de Solférino, avec une façade monumentale, et une grande chapelle en arrière, dédiée à saint Joseph, dont la statue orne toujours la façade au-dessus de l’entrée principale. Un jardin complétait l’ensemble sur le boulevard Vauban. Pour ses façades, Mourcou choisit le style brique et pierre, comme au Palais Rameau voisin, son chef-d’œuvre édifié dix ans plus tôt dans la même rue. Après 1968, le collège fusionne dans un ensemble ad- ministratif plus large de l’enseignement libre, tandis qu’un hideux bâtiment, servant de résidence étudiante, est bâti sur le boulevard Vauban. L’époque est un peu triste, et tout semble se rétracter, jusqu’à l’abandon de la chapelle, au début des années 2000. Si les bâtiments scolaires sont restaurés et ravalés, faisant bonne figure dans l’espace public, la chapelle se dégrade lentement, à l’abri des regards : il faut passer à l’arrière, rue Colson, pour en voir l’abside noircie. À l’intérieur, la grande nef néogothique offre le triste spectacle de l’abandon. Saint-Joseph fait désormais partie, avec trois autres, d’un grand projet de campus porté par le groupe Junia, réunissant trois écoles d’ingénieurs de l’université catholique de Lille, qui veut y investir plus Alexandre Gady professeur d’histoire de l’art à Sorbonne - Université TRIBUNE LIBRE DU PATRIMOINE

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