Extrait L'Objet d'Art

62 L’OBJET D’ART DÉCEMBRE 2020 La reprise du catalogue de l’orfèvrerie du département des Objets d’art du Louvre a été l’occasion d’étudier de façon plus approfondie une remarquable coupe en argent émaillé et doré, qui constitue un véritable unicum dans les collections du musée. Gageons que les lecteurs de L’Objet d’Art nous aideront à élucider le mystère qui entoure cet objet. / Par Michèle Bimbenet-Privat, conservateur général au département des Objets d’art du Louvre D epuis son entrée au Louvre en1861grâce au legs de ThéodoreDablin (1783-1861), cette étonnante coupe 1 a suscité peu d’intérêt en France, bien qu’elle ait été dûment cataloguée par Alfred Darcel dès 1891, puis par Yves Bottineau en 1958. On ignore à quelle date et auprès de qui Théodore Dablin en fit l’acquisition. Ce personnage, ami de Balzac et l’un des inspirateurs du Cousin Pons 2 , n’était pas seulement un riche quincaillier, mais il exerçait aussi une activité de prêteur sur gages. On a donc peu d’informations sur ses acquisitions, hormis celles qu’il fit dans les grandes ventes de son temps. La coupe porte le poinçon au charançon qui situe son entrée en France après 1838. UN EXCEPTIONNEL DÉCOR ÉMAILLÉ… Ce grand « hanap », comme on le désignait au XIX e siècle, porté par un pied circulaire mouluré à ressaut, présente un nœud balustre, une coupe doublée d’une fausse coupe ajourée à ceinture moulurée, et un couvercle sommé d’une prise en forme de bouton de fleur. Les éléments de décor sont tantôt des émaux posés en plein, tantôt des médaillons émaillés sur argent et rapportés. Les surfaces non émaillées sont repoussées et dorées. Le pied est orné de deux frises concentriques, l’uned’anémoneset de tulipesémaillées au naturel, et l’autre de feuilles échancrées stylisées L’ÉNIGMATIQUE COUPE TRANSYLVANIENNE DU LOUVRE émaillées de rouge, de jaune, de blanc et ourlées de rose, sur fond d’argent doré amati. Le ressaut mouluré du pied présente des scènes émaillées de chasse au cerf dont les protagonistes sont peints en noir sur fond bleu turquoise. Le balustre de la tige repose sur une collerette d’argent découpé àmotif de feuilles émaillées polychromes. Il est ajouré par des découpes en forme de feuilles et coloré d’émail bleu turquoise ; il porte trois cabochons de grenats et, en applique, trois médaillons ovales en émaux peints polychromes représentant les visages d’une jeune femme, d’un jeune homme coiffé d’un bonnet de velours rouge bordé de fourrure, et d’un vieillard à longue barbe coiffé d’une toque de fourrure. Le balustre est surmonté d’une collerette à consoles composée de trois feuilles et trois fleurs découpées, chacune sertie d’un grenat en table. …QUI RACONTE UNE HISTOIRE La coupe, en forme de calice, est doublée jusqu’aux deux-tiers d’une fausse coupe en argent ajouré et émaillé dessinant à la base une collerette de feuilles tournoyantes polychromes et une tresse émaillée de bleu turquoise, agrémentée d’un large bandeau ajouré d’oiseaux et de fleurs polychromes ; dans sa partie supérieure sont appliqués trois médaillons d’argent oblongs émaillés de sujets peints en noir sur fond bleu turquoise : sur deux d’entre eux, un homme s’incline ARTS DÉCORATIFS

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