Extrait L'Objet d'Art

« Je traite la foule avec de tels miroirs » Gabriel von Max (Lettre à Ernst Haeckel, le 9 mars 1894) « La question de toutes les questions, qui doit intéresser plus que toute autre personne née dans le monde, est la suivante [...] "D’où vient-il ?" doit être répondu par les sciences naturelles. "Où va-t-il ?" doit être répondu par le spiritisme. J’ai donc dû me familiariser avec ces deux "sciences" ». 38 L’OBJET D’ART DÉCEMBRE 2020 GABRIEL VONMAX ! PEINTRE DE SINGES ET DE MADONES " Artiste naguère de renommée internationale, Gabriel von Max est un grand oublié. Emporté par la vogue de l’art français, son œuvre jugé kitsch est tombé dans les oubliettes de l’histoire de l’art. Deux expositions monographiques l’ont récemment révélé à Munich en 2010 et à Seattle en 2011 1 . Les deux singes affectueusement enlacés du tableau intitulé Abélard et Héloïse 2 (The Jack Daulton Collection, après 1900) sur l’af!che pour « Les origines du monde : L’invention de la nature au XIX e siècle » au musée d’Orsay lève un voile sur cet artiste fascinant, spirite et darwiniste, qui mériterait à lui seul une exposition. / Par Nathalie Bondil, vice-présidente du Conseil des Arts du Canada G abriel Cornelius Ritter von Max (Prague, 1840 – Munich, 1915) est le fils turbulent du sculpteur Josef Max. Son brutal décès du choléra marque profondément l’adolescent. Initié à la peinture d’histoire, il se forme aux académies de Prague entre 1855 et 1858, puis de Vienne entre 1858 et 1861, avant d’intégrer de 1863 à 1867 celle prestigieuse de Munich pour travailler auprès de Karl von Piloty. Max étudie le som- nambulisme, l’hypnotisme, le spiritisme et le darwinisme ainsi que diverses traditions mystiques, religieuses et philosophiques. Fidèle aux thèmes romantiques inspirés par Faust, Shakespeare ou Verdi, ses peintures dénotent son admiration pour Paul Delaroche. Il obtient son pre- mier grand succès à l’Exposition universelle de Paris en 1867 avec sa provocante Martyre chrétienne crucifiée, entre l’abandon et l’extase (Galerie nationale de Prague, 1865). Son biographe 3 , le marchand Nicolaus Lehmann, organise des expositions itinérantes de ses tableaux, commercialise leurs reproductions puis les vend avec profit, lui assurant une notoriété considérable en Europe comme en Amérique. Professeur de peinture d’histoire à l’Académie deMunich de 1878 à 1883, Max rejoint en 1884 la Société théosophique, la loge allemande étant fondée dans sa villa bavaroise. À partir de cette époque, ce mi- santhrope vit retiré. Ennobli en 1900, il reçoit le titre de Ritter (chevalier). Max possédait l’une des plus importantes collections pri- vées de sciences naturelles en Europe qu’il justifie ainsi : « Le point de départ de l’ensemble dumusée serait le por- trait de Darwin». Cette addiction coûteuse, qui commence dès l’enfance, le plonge dans un endettement permanent, raison pour laquelle il peint quantité de têtes sentimen- tales vite vendues. Visité par des scientifiques de renom, son kunstcabinet comprenait plus de 60 000 artefacts concernant la préhistoire, la zoologie, l’ethnographie et l’anthropologie, dont un célèbre ensemble de crânes : EXPOSITION

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