Extrait L'Objet d'Art

41 AVRIL 2020 L’OBJET D’ART E n cette date anniversaire, le musée Condé du domaine de Chantilly organise la seule exposi- tion en France consacrée aumaître absolu de la Renaissance italienne. Grâce à l’extraordinaire collection réunie au XIX e siècle par Henri d’Orléans, duc d’Aumale, Chantilly peut s’enorgueillir de conserver la collection la plus importante d’œuvres de Raphaël et de ses élèves en France, après lemusée du Louvre, avec un fondsdepremier plandedessinsdumaîtreet sesélèves, mais aussi trois tableaux autographes illustrant chacune des grandes étapes de sa carrière. Les Trois Grâces figurent ainsi parmi les premières œuvres profanes que le jeune artiste ait peintes (vers 1503-1504), alorsqu’il baignait dans l’univers courtoisde mécènes lettrés qui lui commandaient depetits tableaux mythologiques. Les analyses en réflectographie infra- rouge ont montré qu’à l’origine, une seule des Grâces, celle de gauche, tenait une pomme d’or. C’est sans doute dans un souci d’équilibre, pour parvenir à la parfaite har- monie finale, que Raphaël opta pour les trois fruits. Si le duc d’Aumale avait acheté à prix d’or deux tableaux de son peintre favori, en réalité, il en possédait trois... L’une des autres œuvres les plus fameuses de Raphaël conservées à Chantilly était en effet considérée comme une copie au XIX e siècle et n’a été authentifiée comme un original dumaître qu’à la fin des années 1970, après une spectaculaire restauration ! AU CŒUR DU PROCESSUS CRÉATIF Du côté des dessins, l’exposition permet de parcou- rir le cheminement artistique de Raphaël, depuis ses débuts à Urbino, à Pérouse et en Ombrie, dans le sil- lage du Pérugin et de Pinturicchio : la comparaison de grands cartons de jeunesse avec les dessins de ces maîtres plus installés dont il fréquenta l’atelier permet de révéler les dispositions précoces de notre artiste. À partir de 1504, âgé de 21 ans, Raphaël quitta Pérouse pour rejoindre le cœur en fusion de la Renaissance, Flo- rence. Là, il put prendre connaissance des dernières nouveautés artistiques portées par Léonard de Vinci et Michel-Ange, mais aussi tracer sa propre voie, faite de grâce, d’harmonie et d’apparente facilité. Celle-ci RAPHAËL MAÎTRE DE CHANTILLY Il y a 500 ans, le 6 avril 1520, disparaissait l’un des artistes les plus fulgurants de la Renaissance en particulier, et de l’histoire de l’art en général : Raphaël. Quelques décennies plus tard, Giorgio Vasari qualifia en ces termes cette immense perte : « Quand ce noble artiste mourut, la peinture pouvait bien mourir elle aussi, puisque quand il ferma les yeux, elle devint presque aveugle ». En réalité, outre la peinture, c’était le dessin, parvenu à un sommet non atteint jusqu’alors, qui pouvait lui aussi bien mourir. / Par Mathieu Deldicque, conservateur du patrimoine au musée Condé et commissaire de l’exposition. Raphaël, Les Trois Grâces . Huile sur bois, 17 x 17 cm. Chantilly, musée Condé. Photo service de presse. © RMN- Grand Palais (domaine de Chantilly) / Franck Raux

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