Extrait L'Objet d'Art

1 DÉCEMBRE 2019 L’OBJET D’ART S on histoire commence en 1144, quand le comte de Toulouse décide de fonder Montalba – Montauban – un place forte sur- plombant le Tarn. La bastide prospère, un château fort s’édifie, le comté de Toulouse est rattaché au royaume de France et quand arrive la guerre de Cent Ans, le redoutable Prince Noir (Édouard Plantagenêt) s’empare de la ville et construit une nouvelle forteresse sur les vestiges de l’ancienne. Il n’aura pas le temps de la voir achevée qu’il sera bouté hors de Montauban, bientôt prise par les protestants qui en font leur fief, avant d’être délogés par les armées de Louis XIII. Le vieux château, ruiné, renaît alors de ses pierres, grâce à l’évêque Pierre de Bertier qui décide d’en faire un palais, à la gloire de la Contre-Réforme. C’est à l’ombre de sesmurs imposants – qui rappellent avec leurs tours d’angle la vieille forteressemédiévale –que grandit un certain Jean-Au- guste-Dominique, l’aîné des six enfants du peintre et sculpteur montal- banais Jean-Marie-Joseph Ingres : il montre des dons étonnants pour la musique et le dessin. Il a 11 ans quand, en 1791, le palais devenu bien national à la Révolution est mis à l’encan et acheté par la Ville ; il est auréolé de la gloire du Prix de Rome et du Vœu de Louis XIII – peint pour la cathédrale de Montauban en 1824 –, lors de sa visite, deux ans plus tard, de la petite école de dessin que la municipalité a créée au premier étage du palais, détruisant un vieux plafond menaçant ruine pour y loger les hauts plâtres servant de modèles aux élèves. Car les Montalbanais prêtent ou offrent à leur ville leurs tré- sors pour servir la formationde leurs futurs artistes – un petit musée indépendant est bien- tôt constitué, enrichi en 1853 du premier don d’Ingres : une partie de ses collections d’an- tiques et d’œuvres d’art. Une lente et inéluctable bataille de palais commence alors : expulser, non plus les Anglais LE PALAIS DEVENU MUSÉE et les protestants, mais les services municipaux, pour une noble et juste cause, celle de l’art ! Et à l’image de la guerre de Cent Ans ou des guerres de religion, cette bataille est rude et longue : malgré les coups de boutoir du premier directeur du musée, Arnaud Cambon, artiste de talent, cousin d’Ingres et exécuteur testamentaire dumaître, il faut at- tendre un demi-siècle pour que soit inauguré en 1913 lemusée Ingres dans la totalité du bâtiment. Il rouvre aujourd’hui après trois ans de travaux, baptisé aussi du nomde l’autre figure tutélaire montalbanaise, le sculpteur Antoine Bourdelle, dont il conserve un ensemble majeur. Ses espaces et ses cimaises repensés offrent désormais un extraordinaire cabinet de dessins per- mettant d’admirer plus de 4 000 feuilles léguées par Ingres avec son fonds d’atelier, et mettent en valeur des collections qui plongent non seulement le visiteur au cœur de l’ingrisme et de ses enjeux, mais réservent encore bien d’autres surprises, tant le goût des amateurs montalbanais était encyclopédique. À l’occasiondecette réouverture, lesÉditionsFatonont publié lecatalogue des collections du musée (empressez-vous de le commander sur www. faton.fr !), dévoilant son histoire et ses richesses insoupçonnées : il ne faudrait jamais quitter Montauban pour toujours admirer ses trésors conservés dans lesmurs tutélaires d’un vieux palais devenu forteresse des arts ! Chère lectrice, cher lecteur, bonne lecture de votre nouveau numéro de L’Objet d’Art et bon vent à Montauban ! Jean-François Gilibert (1783-1850), Ingres visitant la nouvelle école de dessin de Montauban sous la conduite de son ami Gilibert en 1826 . Huile sur toile, 38 x 46 cm. Montauban, musée Ingres Bourdelle. © Marc Jeanneteau ÉDITORIAL

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