Extrait L'Objet d'Art

3 SEPTEMBRE 2018 L’OBJET D’ART Vivent les bleus ! C omment obtient-on du bleu ? En broyant des pigments naturels ou synthé- tiques ; le plus ancien pigment synthétique est le bleu égyptien à base de calcium, de siliciumet de cuivre. Le plus recherché des pigments naturels, celui dont justement les Égyptiens fabriquaient un ersatz, est le lapis-lazuli. Il permet d’obtenir de l’outremer. On commença à l’employer en Occident à partir du Moyen Âge pour enluminer lesmanuscrits ; il était si précieux que son prix pouvait dé- passer celui de l’or et que la quantité employée pour peindre les tableaux dans l’Italie du Quattrocento montrait la richesse des commanditaires. Très colorant, il suffisait d’en broyer peu pour obtenir un bleu à la fois profond et lumineux ; les peintres, par mesure d’économie, le posaient sur des couches d’azurite ou d’indigo beaucoupmoins coûteuses. Car il existe quantité de bleus : celui produit avec les feuilles du pastel en Occitanie, victime de la redoutable concurrence des feuilles exotiques de l’indigotier – première et déplorable guerre fratricide entre bleus ; le bleu de Prusse ou de Berlin, découvert par accident par un chimiste allemand vers 1706 ; le bleu Guimet, mis au point en 1826 par l’industriel lyonnais éponyme pour remplacer l’outremer véritable ; le bleu de smalt ou de cobalt, le cærulenum, le cyan, le turquoise, le bleu Klein et celui des « fileurs éternels des immobilités bleues », cher à Rimbaud et aux esprits libres. Nous en avons cité au moins onze – de quoi former toute une équipe de maillots et de camaïeux, symbole d’une éclatante victoire estivale, tant la couleur a un pouvoir métonymique. On boit du rouge, du blanc, on vote vert, on célèbre le bleu – dans le sport comme dans l’art. Mais pas à toutes les époques : la Rome antique méprisait cette couleur, elle qui pourtant adorait le pain et les jeux. Personnellement nous pré- férons le vin et les bleus, plus spécialement le vin de Bourgogne (là où se trouve le siège de la maison d’édition qui édite votre revue préférée, L’Objet d’Art ) et les bleus des peintures du Grand Siècle (du lapis-lazuli), des Très Riches Heures du duc de Berry (du lapis encore) ou de la période bleu et rose de Picasso que vous découvrirez dans ce numéro à travers la belle exposition du musée d’Orsay, avec bien d’autres sujets passionnants, l’art des artisans virtuoses napolitains qui piquaient l’écaille d’or et de nacre, celui du sculpteur sur ivoire français Jaillot ou les extraordinaires Images du royaume coloré des êtres vivants de Jakuchu, prêt exceptionnel de l’Agence de la Maison impériale du Japon au Petit Palais. Nous vous souhaitons, chère lectrice, cher lecteur, une lecture haute en couleur de ce numéro de septembre de L’Objet d’Art ! Les Très Riches Heures du duc de Berry (1411-1416), folio 9 verso (Le mois de septembre). Peinture sur vélin, 29 x 21 cm. Chantilly, musée Condé. © RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojéda ÉDITORIAL

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