Extrait L'Objet d'Art

PARIS FOUJITA, LE DANDY JAPONAIS Sa réussite financière et son choix exclusif de la figuration, autant que l’image d’artiste mondain qu’il s’est forgée, expliquent le relatif oubli dans lequel est tombé Léonard Tsuguharu Foujita (1886-1968). À l’occasion du cinquantenaire de sa disparition, « le plus japonais des peintres parisiens » est à l’honneur au musée Maillol. Des estampes japonaises ( ukiyo-e ) qui déferlent en Europe dès les années 1860 les artistes d’avant-garde ont apprécié l’exotisme des motifs, les couleurs chatoyantes ou encore l’attachement à la nature. À rebours du japonisme, Foujita qui s’installe à Paris un demi-siècle plus tard adopte la technique européenne de la peinture à l’huile et devient célèbre pour ses grands « fonds blancs » quasi monochromes, ses nus ou ses autoportraits. Ce véritable descendant de samouraï débarque en 1913 dans le quartier cosmopolite de Montparnasse où il côtoie bientôt Picasso, Braque, Modigliani, Chaim Soutine ou Kees van Dongen. Dès le début des années 1920, son talent et son excentricité font de lui une figure du Tout-Paris. Il entreprend en 1931 un triomphal tour du monde, de l’Argentine au Japon en passant par les États-Unis. Il conservera cette notoriété jusqu’à la fin de sa vie, installé dans le petit village de Villiers-le-Bâcle (Essonne) où il acquiert une maison aujourd’hui ouverte au public. Conservatrice des lieux, Anne Le Diberder observe : « de nombreux musées en France exposent ses œuvres (Le Havre, Roubaix, Bordeaux, Lyon, à Paris le Centre Pompidou...) mais il est très méconnu des jeunes générations ». La fondation Foujita (créée en 2011 sous l’égide de la fondation Apprentis d’Auteuil) profite de cette année anniversaire pour initier une série d’expositions dans l’hexagone et au Japon. Les Années folles au musée Maillol C’est rue de Grenelle que se déploie la première grandemanifestation, autour de plus d’une centaine d’esquisses, peintures sur fond or et fond blanc, panneaux monumentaux, photographies ou objets décoratifs provenant de grandes institutions et de pas moins de quarante-cinq collections privées. Anne Le Diberder et Sylvie Buisson – qui travaille au 4 e et dernier volume du catalogue raisonné de Foujita – nous in- vitent à découvrir la richesse de la production parisienne des années 1913-1931. Faisant preuve d’une incroyable capacité à métisser les influences les plus variées (des Primitifs italiens qu’il admire au Louvre jusqu’au Douanier Rousseau, en passant par les maîtres de la nature morte hollandaise, Velázquez ou Ingres), le Japonais opère un fasci- nant syncrétisme entre Extrême-Orient et Occident dans ses nus gla- cés, ses peintures religieuses ou ses troublants portraits d’enfants au regard grave. Derrière le dandy aux costumes extravagants, aux lunettes rondes et à la lourde frange qui prend volontiers la pose (on le sent parfaitement à l’aise dans la série de photographies de Boris Lipnitzki), se dessine la figure du travailleur acharné qui s’attèle au labeur 15 heures par jour, de l’artiste complet et de l’homme, profondément attachant. L’expo- sition rappelle aussi combien la vie et l’œuvre de Foujita ont été « Il a eu, comme ses chats, plusieurs vies. » Anne Le Diberder Léonard Tsuguharu Foujita, La Vierge et trois dames , 1917. Aquarelle, encre d’Inde, crayon et feuilles d’or sur papier, 31,5 x 43,4 cm. Allemagne, collection particulière. Photo service de presse. © Fondation Foujita / Adagp, Paris 2018 / Photo : © Archives artistiques 4 L’OBJET D’ART JUIN 2018 EXPOSITIONS

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