Extrait L'Objet d'Art

des Émirats (le plus grand mécénat financier jamais touché par le Louvre), seraient devenus un espace de médiation destiné à comprendre l’histoire complexe du palais et de ses collections, avec un étage au nom du fondateur des EAU, Sheikh Zayed. En 2013 toutefois, devant l’opposition des syndicats et des restaurateurs, attachés au prestigieux pavillon de Flore, ce grand dessein tourne court ; Cergy-Pontoise est abandonnée au profit de Liévin pour accueillir les seules réserves du Louvre, à 200 kmde Paris, décision provoquant la colère noire des conservateurs du mu- sée. Quant au projet du Pavillon de Flore, il est transféré et inauguré en 2016 au pavillon de l’Horloge de l’aile Sully. Le résultat – une évocation de l’histoire du Louvre et un « centre d’interprétation » portant le nomdu fon- dateur des EAU – en est bien piètre. 2017 : QUELS LENDEMAINS APRÈS L’INAUGURATION ? La polémique qui a présidé à la genèse du projet en France, puis celle qui a entouré l’ouverture précipitée de novembre dernier, réalisée, semble-t-il dans des conditions de surveillance et d’installation desœuvres rocambolesques, dénoncées par plusieurs de nos confrères 2 , ne doivent pas faire oublier l’extraordinaire défi qu’a représenté la naissance du Louvre anadyo- mène : un partenariat unique aumonde entre la France et les EAU, une collection constituée à partir de rien, un geste architectural prodigieux, auquel Emmanuel Macron a rendu hommage, le 8 novembre dernier, dans un discours inaugural manquant malheureusement de souffle 3 . Sans grand panache, la président de la République a insisté sur la « torture » qu’il y avait eu pour la France à se séparer des chefs-d’œuvre exposés ; citant une énième fois Dostoïevski, il a célébré la beauté salvatrice du monde, au rôle plus que jamais primordial face aux obscurantismes du temps présent, et dont le Louvre Abu Dhabi, installé en terres arabes, constitue un sym- bole fort. Il a fait encore ce curieux parallèle entre les conquêtes et les razzia d’œuvres d’art de Napoléon, dont il a cité le visage aux cimaises des salles (il s’agit en fait de celui de Bonaparte, Premier consul, franchis- sant le Grand-Saint-Bernard prêté par Versailles) et la conquête qui a présidé à la création du Louvre Abu Dha- bi, permettant de « ramener ( sic ) » « les plus belles œuvres dumonde entier » dans ce «merveilleux piège à bêtises qu’a créé Jean Nouvel » (non pas les œuvres exposées, bien évidemment, mais tous nos préjugés Trois œuvres issues d’aires géographiques lointaines cohabitent au sein du Grand Vestibule. © Louvre Abu Dhabi – Photographie Marc Domage 53 DÉCEMBRE 2017 L’OBJET D’ART

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