Extrait L'Objet d'Art

LA SUPRÉMATIE DE NUREMBERG AU XVI e SIÈCLE L’ouvrage concentre son étude sur les deux centres de production les plus importants de l’époque : Nuremberg et Augsbourg. Nuremberg est véritablement le centre de l’orfèvrerie allemande du XVI e siècle. Cette ville libre du Saint-Empire domine largement la création artistique. Forte de 45 000 habitants, elle est caractérisée par une puissante classe marchande, à la fois soucieuse de l’ordre social et ouverte aux intellec- tuels, dynamique et voyageuse. Dans les premières années du XVI e siècle, l’art de la ville est dominé par Dürer. Ses inventions, sa préoccupation pour la figure humaine, son intérêt pour les proportions harmo- nieuses et idéales, son interprétation des ornements observés en Italiemarquent du- rablement l’art de la cité en se propageant dans les ateliers des artistes de la première Renaissance allemande. Les orfèvres de cette généra- tion s’illustrent bien dans la Doppelbuckelpokal (double coupe à cupules) d’Écouen, dans les lacis savants, poussent à l’extrême la virtuosité des techniques et des formes gothiques, qui toutefois s’agrémentent de frises, de rinceaux et de feuillages à l’antique (voir Fig. 2 p. 60). WENZEL JAMNITZER ET SES HÉRITIERS La stylistique évolue dans les années 1520, faisant surgir de nombreuses innovations. Apparaissent alors des gobelets ( Becher ) et de hautes coupes ( Pokale ) travaillées de motifs de godrons et de cannelures. La génération des années 1520 est marquée par celui qui fut l’un des plus grands orfèvres de la ville, Wenzel Jamnitzer (1507/1508-1585). Son atelier, où il s’entoure de nombreux membres de sa famille, domine l’orfèvre- rie allemande jusqu’à la mort de son petit-fils Christof en 1618. Jamnitzer n’est pas seulement orfèvre, il se veut fort d’un savoir scientifique, à la fois théorique et pratique. L’ambition théorique se joint à une subtile obser- vation de la nature et de l’ensemble des créatures terrestres, des humains aux êtres les plus infimes du règne animal. Son répertoire se compose alors de minuscules végétaux, de petits reptiles, de crabes ou d’écrevisses. La Daphné demeure le plus spectaculaire Fig. 4 Aiguière L’Enlèvement de Déjanire , Augsbourg, attribué à Tobias Kramer, 1615. Argent fondu, ciselé et partiellement doré, 40,5 x 29,5 x 20 cm. Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Ollivier Fig. 5 Gobelet tronconique à plaques de nacre et émaux translucides Becher, Augsbourg, David Altenstetter, fin XVI e siècle et Paul Solanier, 1724. Argent gravé, ciselé, émaillé et partiellement doré, bandes de nacre, 66 diamants sertis en or, H. 16,5 cm. Écouen, musée national de la Renaissance. © RMN-Grand Palais (musée de la Renais- sance, château d’Écouen) / Mathieu Rabeau 61 NOVEMBRE 2017 L’OBJET D’ART Chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie allemande des XVI e et XVII e siècles

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