Extrait L'Objet d'Art

Comment êtes-vous tombé dans la « marmite poussinienne » ? Le Louvre lui a consacré une grande exposi- tion en 1960. J’avais alors 24 ans et travail- lais sur le catalogue des peintures françaises et italiennes du musée de Rouen. L’exposition Poussin devait ensuite s’y installer, mais cette promesse faite au conservateur ne fut jamais tenue. On m’a donc confié ce projet qui s’est concrétisé en 1961 par l’exposition « Nicolas Poussin et son temps ». C’est à cette occasion que je me suis plongé dans l’univers de Poussin, un artiste que je n’ai plus jamais perdu de vue depuis. Vous lui avez d’ailleurs consacré plusieurs ouvrages, dont le catalogue raisonné des dessins et celui de ses peintures conservées au Louvre. Où en sont vos projets de publications ? Je travaille actuellement sur le catalogue raisonné des peintures qui sera publié chez Flammarion. C’est un énorme travail que j’ac- complis avec l’aide d’une assistante, Christel Dupuy. Nous en avons encore pour un an. Le seul véritable catalogue raisonné est ac- tuellement celui de Blunt qui date de 1966. Le drame de Poussin c’est que sa popularité dans le grand public est inversement propor- tionnelle à celle qui est la sienne parmi les historiens de l’art et les artistes. Les publi- cations sont donc incessantes. Le don de votre collection sera l’acte fondateur du futur musée Poussin. Pourriez-vous évoquer sa constitution ? J’ai toujours collectionné des œuvres du XVII e au XX e siècle. Ma collection est surtout centrée sur le XVII e siècle, mais embrasse pour la construction d’un nouvel hôpital ont désormais été votés. Les lieux seraient donc disponibles pour une installation du musée à l’horizon 2022-2023. Le deuxième grand atout, c’est le site même des Andelys avec la proximité de la forteresse de Château-Gaillard qui attire chaque année 300 000 visiteurs. J’ajoute qu’il y a une vraie volonté de la part du département de l’Eure de faire de ce musée un soutien tout à fait capital. Établir un musée dans un lieu difficile d’accès ne constitue-t-il pas un pari risqué ? J’ai beaucoup réfléchi à cette question. Poussin n’est pas un peintre populaire, or ce musée n’a de sens que s’il est fréquenté. toutes les époques. Poussin est par exemple assez difficile à collection- ner, même si je possède quelques dessins. C’est la collection d’un bou- limique et son extrême variété fait tout son charme. Les années 1950- 1960 étaient une époque bénie pour commencer à collectionner, même si cela nécessitait déjà des moyens que je n’avais alors pas. Malgré des finances modestes, tous les conservateurs des pein- tures du Louvre collectionnaient, à l’image de Jacques Foucart qui avait acheté une grande allégorie peinte de Carrier-Belleusemais qui, le taxi étant hors de prix, avait dû traverser tout Paris avec une femme nue sur le dos ! Quelle part sera léguée au musée ? Je ferai don de la totalité de ma collection sous réserve d’usufruit. Cela représente entre 4 000 et 5 000 dessins pour un millier de ta- bleaux. L’inventaire est d’ailleurs en cours par Benjamin Perronet, qui a longtemps travaillé chez Christie’s, et par Olivier Lefeuvre qui a été mon collaborateur scientifique, assistés de Côme Rombout. Le chiffrage est égale- ment en cours, même s’il ne sera qu’indicatif. Quels sont les atouts de ce projet aux Andelys ? Nous bénéficierons d’abord d’un magnifique bâtiment du XVIII e siècle, l’actuel hôpital Saint- Jacques des Andelys qui constituera un écrin extraordinaire pour ce futur musée. Je crois que le public est très sensible à l’architecture et cet élément peut attirer les visiteurs. Il est pour l’heure toujours occupé, mais les crédits Pierre Rosenberg. © Suzanne Nagy Lemusée Nicolas Poussin Collectionneur passionné, Pierre Rosenberg a officiellement dévoilé à l’occasion du dernier Festival de l’histoire de l’art de Fontainebleau son granddessein demuséeNicolas Poussin auxAndelys, ville qui a vu naître le peintremais ne conservepour l’heurequ’une toilede samain. Il aacceptéde détailler pour L’Objet d’Art cet ambitieux projet qui vient couronner une vie entière consacrée au maître incontesté du classicisme français. / Propos recueillis par Olivier Paze-Mazzi Bartolomeo Passarotti (1529-1592), La Joyeuse compagnie . Huile sur toile, 112 x 152 cm. Régulière- ment prêté par Pierre Rosenberg, le tableau figurera dans l’exposition-dossier autour du tableau Le Repas Bachique attribué à Niccolò Frangipane au musée de Soissons qui ouvrira ses portes très prochainement. Paris, collection Pierre Rosenberg. © Suzanne Nagy aux Andelys 44 L’OBJET D’ART NOVEMBRE 2017 ENTRETIEN

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