Extrait Histoire Antique et Médiévale

La nef 22 Histoire de l’Antiquité à nos jours - Hors-série n°50 Une esthétique de l’élégance et de la légèreté La structure que l’architecte a retenue suit la formule habituelle de la grande église depuis la fin duXII e siècle : de grandes arcades, qui font communiquer le vaisseau central avec les bas-côtés ; à mi-hauteur, une galerie de circulation, le triforium ; de vastes verrières en partie haute des murs. Les voûtes sur croisées d’ogives sont équilibrées, au-dehors, par des arcs-boutants dont les volées épaulent le mur du vaisseau central. Dans cette architecture, qui se développe pratiquement à l’identique sur sept travées, la part des maçonneries est réduite. Les fenêtres occupent toute la largeur des travées, et leurs réseaux de pierre sont particulièrement fins. Le mur de fond du triforium est ajouré et orné de vitraux. Une arcature allège visuellement le soubassement des collatéraux. Même les piles qui portent les arcades et, plus haut, les départs des ogives des voûtes, surprennent par leur légèreté : la multiplication des colonnettes tout autour du noyau des piles renforce le caractère graphique, linéaire, de l’architecture, et élimine toute impressiondepesanteur. Une nef à la française Le plan fasciculé des piles, la présence d’un triforium ajouré dans une élévation à trois niveaux, le dessin des fenestrages, l’importance des vides par rapport aux pleins, inscrivent cette nef dans l’esthétique du gothique « rayonnant ». Dans une large mesure, les modèles de la nef de Strasbourg doivent être cherchés non dans la tradition architecturale régionale, mais sur les chantiers d’Île-de-France où s’élabore le style rayonnant à partir des années 1230. Depuis longtemps, les historiens de l’art ont identifié la référence principale de l’architecte de Strasbourg. Il s’agit de l’abbatiale de Saint-Denis, où la construction entamée à l’aube de la période gothique avait été laissée inachevée après lamort de l’abbéSuger (1151) : rouvert en 1231, le chantier vit d’abord l’édification des niveaux supérieurs du chevet, puis du transept dans la décennie 1240, et enfin de la nef, terminée sous l’abbatiat de Mathieu de Vendôme (1258-1286) . Le parti adopté – triforium ajouré, larges fenêtres à réseau, élégantespileshabilléesd’unfaisceaudecolonnettes–sedétachait sur des points essentiels de l’esthétique en vigueur à la génération précédente. En effet, dans les églises du gothique « classique » (vers 1195-1230), l’architecture était encore marquée par une muralité forte et un goût pour la robustesse de la membrure, dont témoignent le triforiumaveugleet les imposantes piles cantonnées des cathédrales de Chartres, Reims ou Amiens. L’élégance et la finesse de la nouvelle abbatiale « rayonnante » de Saint-Denis, augmentées de la gloire que lui procuraient le patronage royal et son rôle de nécropole dynastique, ont exercé une fascination immédiate sur les contemporains : comme d’autres, l’architecte chargé d’édifier la nef de Strasbourg s’est inspiré de cemodèle. Un chantier à l’histoire heurtée La nef de la cathédrale a été bâtie, d’est en ouest, en deux grandes campagnes de travaux, précédées d’une campagne au cours de laquelle ont été amorcés les murs des collatéraux des deux dernières travées. Une campagne de construction « pré-rayonnante » dans les années 1230 De cette toute première phase de construction, qui n’emploie pas encore le vocabulaire formel de l’architecture gothique rayonnante, il est difficile aujourd’hui d’évaluer l’importance et même la chronologie, car les murs des bas-côtés ont été éventrés au XIV e et au XVI e siècle, lors de l’édification de la chapelle Sainte-Catherine puis de la chapelle Saint-Laurent, établies l’une au sud, l’autre au nord de la nef du XIII e siècle. Des murs d’origine, il ne subsiste que quelques tronçons de colonnettes, ici ou là quelques chapiteaux et, sous la toiture de la chapelle Saint-Laurent, une frise de sculptures aujourd’hui invisibles pour le visiteur. Ci-contre. Élévation de la nef, avec le triforium ajouré et les fenêtres hautes occupant toute la largeur du mur. © Bednorz Images/Bridgeman Images. Page de droite. Vue de la nef vers la façade, avec la rose d’Erwin de Steinbach. © Bednorz Images/Bridgeman Images.

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