Extrait Histoire Antique et Médiévale

21 Histoire de l’Antiquité à nos jours - Hors-série n°49 Petit à petit, la confrontation exigeante avec la Bible, dans le cadre des premiers cours qu’il professa à Wittenberg, amena Luther à prendre ses distances avec la théologie scolastique et à surmonter la profonde crise spirituelle qu’il traversa au couvent. Matthieu Arnold Le premier enseignement de Luther Poussé par Johannes von Staupitz à accomplir l’intégralité du cursus universitaire, Luther fut promu docteur en théologie les 18 et 19 octobre 1512. Ce titre allait jouer un rôle très important dans la suite de son existence, puisqu’il le plaçait au même niveau que les autorités scolastiques et l’autorisait à les examiner de manière libre et critique. Il lui fallut prêter le serment de prêcher et d’enseigner l’Écriture sainte de manière fidèle et pure. Dans la foulée, Staupitz, qui souhaitait se vouer à ses tâches pastorales, lui confia la chaire qu’il occu- pait depuis 1503. Dans le cadre de cette chaire de théolo- gie, Luther devait commenter les livres bibliques de manière approfondie. Le cours sur les Psaumes (1513-1515) Tout naturellement, Luther choisit pour objet de son premier cours le livre des Psaumes, le livre biblique qui lui était le plus familier. Il ne lui en fallut pas moins de longs mois – de l’hi- ver 1512 à l’été 1513 – pour se préparer à cette tâche. Grâce à des instruments de travail forgés par les humanistes, tels que le Psautier quintuple (1509) de Jacques Lefèvre d’Étaples (vers 1455-1536), il put se rapprocher de l’original hébreu, sans pour autant abandonner la version latine de la Vulgate, qu’on tenait auMoyen Âge pour sacrée. Il put se fonder aussi sur les travaux de ses devanciers, qu’il s’agisse des Pères de l’Église Augustin (354-430) et Jérôme (vers 347-419) ou des exégètes médiévaux Hugues de Saint-Cher (†1264) et Nicolas de Lyre (†1340). Comme de tradition, il répartit son commentaire entre les gloses et les scolies : les premières exposaient notamment des questions philologiques ; les secondes, plus développées, étaient consacrées à des déve- loppements plus théologiques. Luther reprit la méthode des quatre sens de l’Écriture, telle que la pratiquaient les inter- prètes du Moyen Âge. Chaque psaume a un sens historique et un sens spirituel, le second se déployant en trois sens : les paroles du Psautier se rapportent à l’Église (sens allé- gorique), à l’individu croyant (sens tropologique) et aux fins dernières (sens anagogique). Or, pour Luther, le sens littéral ne concernait pas seulement David, l’auteur des psaumes, mais également le Christ. En raison de ce choix interprétatif, il donna au sens littéral plus de poids que ne le faisait la tra- dition. Ce premier cours témoigne déjà de l’importance cen- Page de gauche. Martin Luther en moine Augustinien avec le chapeau doctoral, peinture sur bois de Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553), Wittenberg, 1519/20. Collection Privée. © akg-images. Ci-contre. Jacques Lefèvre d’Étaples, théologien, fondateur du Cénacle de Meaux et premier traducteur de la Bible en français. © akg-images / IAM.

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