Extrait Histoire de l'Antiquité à nos jours

23 Les sources L a vie de saint Benoît ne nous est connue que par le deuxième livre des Dialogues de Grégoire le Grand, écrit en 593-594, près de cinquante ans après sa mort. Grégoire dit avoir appris ce qu’il sait de lui de la bouche de quatre de ses disciples. Lui-même, né vers 540, a pu effectivement connaître ceux-ci. Mais ce qu’il dit de la jeunesse de Benoît, avant son départ à Rome, se résume à un texte. Même les disciples de Benoît n’en savaient certainement pas plus. Nous avons donc affaire à un récit exemplaire de vocation monastique, greffé sur un petit nombre de données biographiques. Le contexte À l’époque de saint Benoît, le Goth Théodoric domine l’Italie, de 493 jusqu’à sa mort en 526. À la même époque, Clovis (481/482-511) conquiert la Gaule. Malgré la reconquête de Justinien, l’Empire romain d’Occident est mort. Les Lombards s’installeront en Italie à partir de 568. Benoît est un contemporain de Boèce et de Cassiodore, « les derniers des Romains ». Quand il écrit sa règle, saint Augustin et Jean Cassien sont morts depuis près d’un siècle. « Il y eut un homme de vie vénérable, Benoît par la grâce et par le nom. Dès même le temps de son enfance, son cœur était celui d’un vieillard. Ses mœurs étant de fait au-dessus de son âge, il n’abandonna son âme à aucune volupté ; mais tant qu’il fut encore sur cette terre, où il aurait pu temporairement vivre heureux librement, il méprisa pourtant le monde et sa floraison comme s’il était aride. Issu d’une famille noble de la province de Nursie, il avait été envoyé à Rome pour étudier les lettres libérales. Mais quand il vit que par elles beaucoup s’aventuraient au bord des précipices des vices, il retira le pied qu’il avait presque posé sur le seuil du monde de crainte, s’il entrait quelque peu dans la connaissance de celui- ci, de s’engouffrer lui aussi tout entier, par la suite, dans un abîme sans fond. C’est pourquoi ayant dédaigné les études littéraires, ayant abandonné la maison et les biens de son père, désireux de plaire à Dieu seul, il se mit à la recherche d’un état de vie de sainteté. Il s’en alla donc, savamment ignorant et sagement inculte. » G RÉGOIRE LE G RAND , Dialogues , livre II, prologue. À cette époque, on est encore dans le cadre d’une société de type romain, où le service de la res publica , l’exercice des magistratures impériales ou municipales, reste l’idéal de l’homme libre. La richesse est un des fondements de ce genre de vie. Représentation de Benoît de Nursie dans la grotte, par le Maître de Messkirch (vers 1515-1540), vers 1530 ; peinture sur bois. Staatsgalerie, Stuttgart. Domaine public. Saint Benoît Nous avons peu de renseignements précis sur la vie de Benoît. Il naît vers 480 à Nursie , dans une famille noble ( liberior ). Il est envoyé étudier les lettres à Rome, ce qui tendrait à faire penser que sa famille le destinait à une carrière administrative. Le pape Grégoire le Grand lui-même, né dans une famille sénatoriale d’un rang sans doute plus élevé que celle de Benoît, fit, après ses études, une carrière qui le mena jusqu’à la fonction de préfet de Rome, et il ne devint moine qu’après. Benoît semble s’être arrêté avant la fin de ses études, peut-être avant 500, mais le texte de sa règle montre qu’il avait eu le temps d’acquérir une culture suffisante. D’après Grégoire le Grand, il décide de fuir l’ambition civique et les compromissions qui en résultent, ainsi que le mode de vie romain qui engendre des mœurs dissolues et un grand désordre moral.

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