Extrait Dossiers d'Histoire

40 QUI ÉTAIENT LES « TRÈS SAVANTS » DRUIDES GAULOIS ? Souvent considérés de nos jours comme des magiciens ou des sorciers, les mystérieux druides gaulois furent en réalité des philosophes, des mathématiciens, des astronomes, des magistrats et de valeureux guerriers. Intermédiaires privilégiés entre les dieux et les hommes, ils disparaissent sous le règne d’Auguste sans laisser presque aucune trace… PAR JEAN-LOUIS BRUNAUX Archéologue, spécialiste de la civilisation gauloise DE SAVANTS GAULOIS Les druides appartenaient à l’immense confrérie des sages qui, au début du premier millénaire avant notre ère, étaient apparus et s’étaient développés depuis l’Orient jusqu’à l’Océan : philosophes en Grèce, sages en Égypte, « chaldéens » en Mésopotamie, « gymnosophistes » en Inde et eux, les « druides », à l’Occident. Ces derniers ne sont connus par les historiens et géographes qu’en Gaule, avant que le pays ne soit conquis par César, c’est-à-dire du III e au I er siècle av. J.-C. César lui-même ne les a pas connus personnellement, il utilise pour sa Guerre des Gaules des textes de Poseidonios d’Apamée écrits plus d’un siècle avant (voir p. 43). Ceux qui se réclameront druides des siècles plus tard, en Allemagne ou en Irlande, n’ont rien en commun avec ces êtres exceptionnels qui occupent les rivages de la Méditerranée. Tous ces savants ont commencé par exercer l’astronomie, première science indispensable pour le recours à la divination exigée des rois par leur peuple : le mouvement des astres ne pouvait être prévu que par leurs subtils observateurs, êtres intelligents qui, rapidement, utilisèrent d’autres pratiques supérieures : le calcul, l’enregistrement des mouvements de la Terre et des autres astres sur d’immenses périodes. LES SOURCES ANTIQUES L’existence des druides apparaît dans les sources antiques grecques au moins dès le III e siècle av. J.-C. : celles-ci les présentent comme les plus proches des pythagoriciens, philosophes qui se consacraient non seulement au monde mais aussi à la nature. Les uns comme les autres formaient une communauté, marquée par leur tenue vestimentaire, sorte d’aube blanche indiquant leur recherche de la pureté. Les deux s’interdisaient l’usage de l’écriture pour ne pas dévoiler leur savoir à qui en ferait un mauvais usage. Les druides, au moins depuis cette époque ancienne, sont reconnus dans le nom ancien de druwi(d)s ( druidaï pour les Grecs et druidae pour les Romains), dans lequel on distingue deux racines indo-européennes : dru (« très »), et weid (« voir » et « savoir »). Les druides étaient donc considérés par leurs contemporains comme les êtres les plus savants, au moment où les Grecs donnaient à Pythagore le nom qu’il avait lui-même inventé : philosophe (« ami de la sagesse »). Au début du I er siècle de notre ère, le rhéteur grec Dion Chrysostome écrit dans l’un de ses Discours : « Ils sont versés dans l’art divinatoire et dans toute science. Il n’était pas permis aux rois de rien faire, de rien décider sans eux. Aussi est-il vrai de dire que ce sont eux qui commandent et que les rois sont leurs ministres, les serviteurs de leur sagesse, assis sur des trônes d’or, habitant de magnifiques demeures et faisant de fastueux festins. » Sa description correspond à la situation de la Gaule au V e siècle av. J.-C., telle que les découvertes archéologiques l’ont révélée. La conception du calendrier sous une forme perpétuelle nécessitait d’observer les cycles de la Lune et du Soleil sur de longues périodes (plusieurs siècles) et exigeait la pratique des calculs puis des mathématiques. Henri Paul Motte, Les Druides coupant du gui le sixième jour de la lune , 1900. Huile sur toile, 116 x 80 cm. Lyon, Lugdunum, musée & théâtres romains © Photo Christian Thioc/Lugdunum

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