Histoire de l'Antiquité à nos jours

27 Syracuse, Carthage et Rome Le IV e siècle ne connut pas d’importantes batailles navalesdanslemondegrec–àmoinsd’uneimprobable lacune dans nos sources. Avoir été capable de vaincre la puissance athénienne avait de quoi gonfler le cœur, et Syracuse n’échappa point à la tentation. Mais la croissance de ses ambitions, soutenue par celle de ses moyens, la mit très vite face à un adversaire dont elle avait mal mesuré les capacités militaires : Carthage. Syracuse était alors dirigée par Denys I er l’Ancien, qui transforma sa cité en une usine de guerre navale, empruntant les techniques des uns et des autres, en les dépassant. C’est à la technologie sy- racusaine qu’on doit la naissance d’un nouveau type de navire plus puissant et plus imposant que la trière : la quinquérème (ou pen- tère), dont on discute encore beaucoup la disposition des rameurs : cinq rangs comme on l’a d’abord cru, cinq rameurs par rame, ou répartis sur deux rames, car cinq rangs auraient nécessité une hauteur de coque peu compatible avec une stabilité optimale du vaisseau. Surtout si l’on applique le principe aux navires géants des époques hellénistique et romaine qui allèrent jusqu’à la décère (10) (cf. Polybe, XI, 2-5 ; Plut., Ant ., 61 et 64 ; Suétone, Calig ., 37, 3). Son agressivité et son impertinence provoquèrent une vaste ex- pédition de Carthage en Sicile où la flotte africaine conduite par Magon, avec 500 vaisseaux, isolée de l’armée de terre au large de Catane, remporta une victoire sur celle de Syracuse qui l’atta- qua (396). Même si les forces carthaginoises furent rapidement contraintes de se retirer de Sicile, leur marine de guerre venait d’entrer dans l’histoire de la Méditerranée. Deux ans plus tard, dans l’Égée, une importante flotte perse et athénienne conduite par Conion mettait définitivement fin aux ambitions spartiates dans ce secteur par son éclatante victoire au large de Cnide. Mais c’était à l’ouest qu’allait se jouer le sort de la Méditerranée. Les temps où « les Étrusques et les Carthaginois et tous les peuples liés par des traités de commerce, devraient être considérés comme citoyens d’un seul et même État, grâce à leurs conventions sur les importations, sur la sûreté individuelle, sur les cas de guerre commune » (Aristote, Pol ., III, 1280a) avaient changé – relations dont était né par exemple, pour les deux premiers, Punicum, port d’Étrurie. À tel point qu’entre Rome et Carthage pas moins de quatre traités avaient été signés entre 509 et 278, chacun visant manifestement à renforcer l’hégémoniede la secondeenMéditerranée (cf. Polybe, III, 22-25). L’extension italienne deRome ne pouvait que lesmettre face-à-face en Sicile, tandis que l’accroissement de la puissance navale punique, victorieusement affirmée à partir de 396, faisait d’elle un obstacle clair à cette extension. Contrôler militairement la mer qui enveloppait l’Italie était pour les Romains la pire des menaces. Polybe s’en fait le témoin lorsqu’il écrit : « [Les Romains] voyaient les Carthaginois régner en maîtres sur une grande partie de l’Afrique, de l’Espagne, disposer de toutes les îles répandues dans la mer de Sardaigne et lamer Tyrrhénienne, et ils craignaient qu’une fois la Sicile en leur pouvoir, ils ne devinssent pour eux de redoutables voisins, qui tiendraient Rome cernée de toutes parts, et menaceraient sans cesse l’Italie entière . » (I, 10) Parti pour libérer Messine, où l’avaient appelé les mercenaires campaniens encerclés, le sénat romain comprit rapidement, fort de la supériorité de ses forces terrestres et du ralliement deDenys de Syracuse, qu’il pourrait mettre la main sur la Sicile tout entière. Les escadresdeCarthageharcelaient les côtes de l’Italie. « Comme les Carthaginois étaient les maîtres incontestés de la mer, l’issue de la guerre restait en balance », écrit Polybe (I, 20), poursuivant : « Les Romains résolurent de se mesurer avec les Carthaginois sur mer […] et mirent en chantier pour la première fois une flotte qui devait compter cent pentères et vingt trières . ». En 264 débutait la première guerre punique. Exemple de quinquérème. © D. R. Première guerre punique : « Construction de la première flotte romaine sous le contrôle de Decius », gravure tirée de Storia di Roma de Francesco Bertolini Collection privée. © The Holbarn Archive/Leemage.

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