Extrait Dossiers de l'Art

24 / DOSSIERS DE L’ART 305 Comprendre la lumière de Vermeer Parce qu’ils nous donnent à voir un moment suspendu, immobile, les tableaux de Vermeer nous révèlent bien plus que le monde quotidien. Pour obtenir cet effet, la lumière joue un rôle fondamental. Elle crée un espace sensible dans lequel les formes surgissent et vivent ; elle anime et pénètre les couleurs. Cette triple relation (lumière, forme et couleurs) est au cœur des préoccupations du peintre, qui adapte sa technique en fonction de cet enjeu. PAR MICHÈLE-CAROLINE HECK, PROFESSEUR ÉMÉRITE D’HISTOIRE DE L’ART MODERNE, UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER Les premières recherches de Vermeer portent sur le rendu des couleurs vives sur un fond sombre. Celles-ci semblent avoir absorbé la lumière qui intensifie leur éclat, au point de devenir, dans Le Christ dans la mai- son de Marthe et Marie (Édimbourg, National Galleries of Scotland, voir p. 42), des sources lumineuses. Ce type de lumière créatrice de formes et de couleurs caractérise par exemple L’Entremetteuse (Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister, voir p. 26). Par le traitement contrasté de la lumière et de l’ombre plus encore que par le motif, cette œuvre se rap- proche de celles des peintres caravagesques d’Utrecht dont Vermeer a une connaissance très intime. Il a étudié les effets de clair-obscur, c’est- à-dire la manière dont certaines parties sont éclairées par une lumière vive sur un fond sombre, dans les tableaux de Dirck van Baburen que sa belle-mère possédait (voir p. 68). Cependant, le peintre de Delft ampli- fie les valeurs colorées dans le visage de la courtisane, façonné à l’aide de la lumière plus que par le dessin. Les parties claires, blanches, jaunes n Johannes Vermeer, La Fille au chapeau rouge , 1664-67. Huile sur bois, 22,8 x 18 cm Washington, National Gallery of Art. Photo courtesy National Gallery of Art, Washington

RkJQdWJsaXNoZXIy MTEzNjkz