Extrait Dossier de l'Art

DOSSIERS DE L’ART 302 / 35 Les langues européennes tardèrent plus ou moins à rendre compte, par un terme générique, de l’autonomisation de la représentation d’ob- jets, lentement émancipée de la peinture religieuse, matrice de tous les genres figuratifs, du portrait aux scènes du quotidien. L’influence de l’hu- manisme fit parfois parler en italien de rhopographie (Vasari) 1 , emprunt au grec – et à Pline – aussi distingué que dédaigneux. Longtemps, le qualificatif utilisé fut précis, quasi descriptif. On parla ainsi, selon les cas, de « banquets », de « cuisines », de « marchés » ou de « pièces de pois- sons », fruits ou fleurs. Libérés du contexte de la représentation mariale, les sujets floraux connurent justement, au début du siècle, un fort déve- loppement au nord de l’Europe, comme en témoigne à l’exposition le beau bouquet du Courtraisien Roelandt Savery (1576-1639) prêté par le musée de Lille. Dans l’aire néerlandaise, où le genre pictural devint bien- tôt pléthorique, le jargon d’atelier finira, au mitan du siècle, par produire le commode still leven (« modèle immobile », littéralement). Le terme n Luis Egidio Meléndez, Nature morte avec pastèques et pommes dans un paysage , 1771. Huile sur toile, 62 x 84 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado Photo service de presse © Photographic Archive Museo Nacional del Prado PEINDRE LES choses EN MAJESTÉ À partir du début du XVII e siècle, la peinture européenne s’engage dans une exploration sans précédent, par la diversité, l’ambition et la séduction plastique atteinte, de la représentation des objets. Ayant désormais acquis un statut autonome, mais peu honorable, la nature morte, dans ses différentes déclinaisons, entame alors un essor décisif. PAR ALEXIS MERLE DU BOURG

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