Extrait Dossier de l'Art

60 / DOSSIER DE L’ART 288 Michel DE CHAUGY D’une famille appartenant à la cour de Bourgogne, Michel de Chaugy fit édifier une chapelle en la Sainte-Chapelle de Dijon et commanda le monumental retable d’Ambierle. Sur les volets du retable du maître-autel de l’église Saint- Martin d’Ambierle, deux seigneurs et leurs épouses, pré- sentés par leurs saints patrons, sont représentés en prière devant les scènes de la Passion du Christ (voir p. 62-65). Même si la partie centrale et sculptée du retable devait attirer davantage le regard dans son aspect d’origine où l’or dominait, la stature imposante des personnages, le réalisme, les couleurs chatoyantes et la présence insis- tante des armoiries affirment la présence des nobles per- sonnages. Une inscription court en lettres d’or sur fond noir à la base des volets : « Ceste table en ce lieu pré- sent / Donna pour fair à Dieu présent / Messire Michiel de Chaugy / Conseillé chambellain aussy / Et le premier maistre d’hostel / Du noble prince dont n’est tel / Philippe bon duc de Bourgonge / En l’an que l’église tesmoigne / Mil quatre cent soixante six / Dieu voile qu’en sa gloire sit. » Inscription et armoiries permettent d’identifier Michel de Chaugy et son épouse Laurette de Jaucourt, à droite, son père Jean de Chaugy et sa mère Guillemette de Montagu, à gauche. Le père et le fils portent des tabards héraldiques ; les velours recouvrant les prie-Dieu sont brodés des armes de chaque couple, et des anges portent, sur les volets supérieurs, les écus des deux dona- teurs. L’ensemble des écus forme une véritable leçon de règles de composition héraldique : les armes de Jean de Chaugy (« écartelé d’or et de gueules ») sont parties 1 avec celles de Montagu pour son épouse. Michel de Chaugy a écartelé les armes de ses deux parents, tandis que son épouse a parti les armes de Chaugy et celles de Jaucourt. Un haut dignitaire, d’ambitieuses commandes On trouve la confirmation des intentions de Michel de Chaugy dans son testament de 1476 : « Item je donne et lègue en l’église d’Ambierle où sont enterrés mes prédé- cesseurs, une table d’autel pour mettre sur le grand autel d’icelle église du dict Ambierle, laquelle table est à Beaune en l’hostel de Laurent Jacquelein, et veuxqu’elle soitmenée au dict lieu d’Ambierle à mes despens. » Une plaque de laiton devait venir marquer la tombe de son père, et deux chandeliers enrichir la chapelle familiale. En offrant un retable pour l’église, il s’agissait pour lui autant de témoi- gner de sa piété que de mettre en scène la haute position sociale de son lignage dans la noblesse de Bourgogne, et plus encore sa position auprès du duc Philippe le Bon. La famille de Chaugy, issue du Bourbonnais, était implantée dans le Roannais. Elle entretenait depuis le XIV e siècle des liens de proximité avec le prieuré clunisien de Saint-Martin d’Ambierle. En élisant sépulture dans une église rattachée à un ordre monastique prestigieux, elle affirmait un sta- tut social plus élevé que les familles qui fondaient une chapelle dans l’église paroissiale dépendant de leur châ- teau. Les Chaugy faisaient en effet partie de la cour de Bourgogne. Michel, écuyer tranchant en 1447, devint en 1452 conseiller, chambellan et premier maître d’hôtel au service de Philippe le Bon. Prenant part à la guerre contre les Gantois, il fut fait chevalier en 1452, et sa bravoure lui valut le surnom de Michaut le Brave. Il fut bailli de Mâcon et du Mâconnais en 1455 et participa au festin du Vœu du Faisan en 1454. Il apparaît comme l’un des conteurs des Cent nouvelles nouvelles , recueil d’histoires drolatiques censées être racontées par trente-six membres de la cour de Philippe le Bon, à qui fut dédié le volume entre 1464 et 1467. Apogée de son ascension sociale, Michel de Chaugy édifia un château fortifié de tours au lieu-dit Le Monceau- les-Blain (Roussillon-en-Morvan, Saône-et-Loire, détruit sous la Révolution). Il conserva ses charges sous Charles le Téméraire, devenant commis aux Finances en 1475, se ralliant cependant ensuite à Louis XI qui le nomma conseil- ler et chambellan. Par un second testament en 1478, il ins- titua une messe quotidienne et diverses cérémonies dans la chapelle Saint-Michel qu’il avait édifiée dans la Sainte- Chapelle de l’hôtel ducal de Dijon, y élisant sépulture. Il mourut fin 1479 ou début 1480, et le retable fut installé dans le chœur d’Ambierle en 1480. Il ne reste rien de la chapelle Saint-Michel, et nous ne connaissons aucune autre commande de Michel de

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