Extrait Dossier de l'Art

DOSSIER DE L’ART 286 / 33 Adélaïde Labille grandit près du Louvre, rue Neuve-des-Petits- Champs, où son père tient une bou- tique de mode. Elle y est la voisine de François-Élie Vincent, miniatu- riste renommé, auprès de qui elle reçoit sa première formation. Le fils de celui-ci, le peintre François-André Vincent, de deux ans son aîné, sera d’abord l’ami de son enfance puis le compagnon d’une vie. À 20 ans, elle épouse Louis-Nicolas Guiard, un fonctionnaire des Finances, mais le mariage sera malheureux et la sépa- ration de biens prononcée dès 1779. Dans les années 1770, Adélaïde pour- suit son apprentissage chez Quentin Delatour, devenant une pastelliste de talent et une portraitiste reconnue du public et de la critique, dont les œuvres sont exposées au Salon de la Correspondance en 1782. UNE CARRIÈRE ENTRE GLOIRE ET TOURMENTS Après le retour de François-André Vincent de Rome, en 1775, douée, ambitieuse et volontaire, elle apprend à ses côtés la technique de la pein- ture à l’huile dans laquelle elle excelle bientôt, ce qui lui permet de rivaliser avec ses contemporains et indique sa volonté de devenir académicienne. C’est chose faite en 1783, lorsqu’elle est reçue à l’Académie royale à la force du poignet, en même temps que Vigée-Lebrun, admise sur ordre du roi. Ce statut lui ouvre les portes du Salon où elle expose enfin. Dès le début des années 1780, Labille- Guiard a ouvert un atelier pour jeunes filles où elle a formé de nombreuses élèves, et c’est avec son Autoportrait avec ses élèves , célébré par la critique, qu’elle obtient un succès retentissant en 1785. Cette notoriété lui amène une nouvelle clientèle aristocratique, en particulier celle de Mesdames, filles de Louis XV, dont elle devient le peintre attitré. En 1788, elle reçoit la commande d’un immense portrait collectif, la Réception par le comte de Provence d’un chevalier de Saint- Lazare , qu’elle envisage comme un tableau d’histoire. Dans les années 1790, elle expose au Salon de nom- breux portraits, dans un esprit et une technique parfois proches de ceux de Vincent. Progressiste convaincue, défendant ardemment l’éducation des jeunes filles, l’artiste paye chè- rement, sous la Terreur, sa proximité ancienne avec la monarchie. Malgré l’exposition, en 1791, de quatorze portraits de députés, dont celui de Robespierre, une partie des tableaux restés dans son atelier, dont la com- mande du comte de Provence dans laquelle elle s’était tant investie, est brûlée en 1793. La jeune sœur de Vincent meurt sur l’échafaud l’année suivante ; l’artiste ne s’en remettra jamais tout à fait. Séparée de son mari depuis 1779, Adélaïde profite des lois nouvelles pour divorcer dès 1793. Après des années de vie commune, elle épouse Vincent en 1800 mais meurt, malade, en 1803. Le Portrait de Suvée de 1783 est un parfait exemple du talent d’Adélaïde Labille-Guiard, qui transcrit avec une grande finesse la sensibilité de son modèle. Suvée, ami de Vincent durant leur jeunesse à Rome, appartient au cercle intime du couple et sera témoin à leur mariage en 1800. I.M.-M. n Adélaïde Labille-Guiard, Portrait de Joseph-Benoît Suvée , 1783. Pastel, 60,5 x 50,5 cm. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts © Beaux-Arts de Paris, dist. RMN / image Beaux-Arts de Paris n PAGE DE GAUCHE Adélaïde Labille‑Guiard, Autoportrait avec ses élèves M elle Capet et M elle Carreaux de Rosemond , 1785. Huile sur toile, 210,8 x 151,1 cm. New York, Metropolitan Museum of Art. Courtesy Metropolitan Museum of Art, New York

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