Extrait Dossier de l'Art

4 / DOSSIER DE L’ART 275 Hans Baldung l’homme d’une époque Reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands peintres de la Renais- sance allemande, Hans Baldung Grien possède une singularité qui, à plu- sieurs égards, répond à la complexité de son temps. Il a su tirer le meilleur de cet enracinement géographique et historique. PAR FRANK MULLER, PROFES- SEUR ÉMÉRITE D’HISTOIRE MODERNE, UNIVERSITÉ DE STRASBOURG, AUTEUR DE LA MONOGRA- PHIE TOUT RÉCEMMENT PARUE, AUX ÉDITIONS DU SIGNE, SUR HANS BALDUNG GRIEN Comme tout grand artiste, Baldung n’est pas réductible au milieu qui l’a vu naître et agir, mais il est clair que son art s’in- sère dans un contexte fortement marqué par l’humanisme, puis par la Réforme, qu’il faut d’abord définir du point de vue géopolitique et artistique. Né en 1484 ou 1485, sans doute en Souabe, à Schwäbisch Gmünd, d’où sa famille était originaire, Baldung a passé l’essentiel de sa vie dans le Rhin supérieur, région du Saint-Empire romain germa- nique approximativement limitée au nord par le Palatinat, à l’ouest par les Vosges, à l’est par la Forêt-Noire et au sud par le lac de Constance et le nord de la Suisse actuelle. C’était une région divisée, comme dans tout l’Empire, en petites principautés et en villes impériales, la plus impor- tante étant la ville libre de Strasbourg, qui comptait envi- ron 20 000 habitants au début du XVI e siècle. Plus généra- lement, l’Empire avait une superficie très étendue, mais les Habsbourg, Frédéric III, puis son fils Maximilien I er (mort en 1519), n’avaient qu’un pouvoir assez limité, dépendant des diètes et des princes. Ils furent continuellement confron- tés, en outre, à des a"rontements à l’intérieur même de l’Empire, dans la Confédération helvétique, qui ne dépen- dait plus que nominalement de ce dernier, et dans les anciens Pays-Bas. Maximilien réussit tout de même à faire passer des réformes administratives, mais il fut surtout un grand mécène et amateur d’art, favorisant principalement les artistes d’Allemagne du Sud, dont certains, comme Dürer et Baldung, ont orné de dessins marginaux le livre de prières de Maximilien I er , édité à Augsbourg en 1513. Le Rhin supérieur avait été un foyer artistique important dès le Moyen Âge, notamment à Bâle et à Strasbourg, entretenant des échanges artistiques et commerciaux avec les autres métropoles d’Allemagne du Sud, Augsbourg et Nuremberg, mais aussi, à partir du XV e siècle surtout, avec les anciens Pays-Bas et l’Italie du Nord. Les rapports avec la France, pour des raisons politiques évidentes, étaient au contraire minimes. Cette configuration restera d’ailleurs la même jusqu’à l’annexion française à la fin du XVII e siècle. Q Détail du panneau central du Retable de saint Sébastien (reproduit p. 6). Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum © Bridgeman Images

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