Extrait Dossier de l'Art n°267

DOSSIER DE L’ART 267 / 15 inspire les vaudevilles et les caricatu- ristes. Son immense succès attire le regard des naturalistes, dont Georges Cuvier, nourrissant les hypothèses des premières théories racialistes 7 . La fin d’un premier combat À partir de la Restauration, l’opposi- tion à l’esclavage se diffuse progres- sivement dans l’opinion publique. En 1823, Cyrille Bissette, né à Saint- Pierre, publie le pamphlet De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises 8 , qui fait l’ob- jet d’une répression politique forte. Condamné aux galères après son procès, l’auteur engagé est défendu notamment par François René de Chateaubriand et Benjamin Constant avant d’être libéré en 1827. Exilé à Paris, Bissette radicalise sa position sur la question de l’abolition. Membre de la loge maçonnique parisienne des Trinosophes, il fonde la Société des hommes de couleur et, en 1834, la Revue des colonies dont il devient le directeur dans le dessein de com- battre l’esclavage par son arrêt immé- diat dans les colonies françaises 9 . Fruit d’une longue lutte, le deuxième décret de l’abolition de l’esclavage est signé le 27 avril 1848 par le gou- vernement provisoire de la Deuxième République, adopté sous l’impul- sion de Victor Schœlcher. La même année, Bissette est élu député de la Martinique ; il prône la réconciliation entre les races. Christelle Lozère 1. E. Noël, Être noir en France au XVIII e siècle, Tallandier, 2006. 2. Idem . 3. Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit le général Dumas, est le père d’Alexandre Dumas. 4. Recueil des lois de la République française et des actes des autorités constituées, depuis le Régime constitutionnel de l’an VIII : servant de suite au Recueil des lois, proclamations, arrêtés , vol. X, p. 50-51. 5. M. Sibalis, Les Noirs en France sous Napoléon : l’enquête de 1807, rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises 1802 (dir. M. Dorigny et Y. Bénot), Maisonneuve et Larose, 2003, p. 96-97. 6. Idem . 7. F.-X. Fauvelle-Aymar, L’invention du Hottentot : histoire du regard occidental sur les Khoisan, XV e - XIX e siècle , Paris, Publications de la Sorbonne, 2002. 8. Aujourd’hui, son attribution à Bissette est contestée. 9. N. Schmidt, Abolitionnistes de l’esclavage et réformateurs des colonies : 1820-1851 : analyse et documents , Karthala, 200, p. 254. rétablit par arrêté à Saint-Domingue le 27 mai 1802, en Guadeloupe le 16 juil- let 1802 et en Guyane le 7 décembre 1802. Le premier empire colonial se disloque. En 1803, Bonaparte vend la Louisiane aux États-Unis. À la suite de la révolte victorieuse des esclaves, la France perd également en 1804 sa plus riche colonie, Saint-Domingue, qui devient indépendante sous le nom d’Haïti. Ainsi naît la première République noire libre du monde. Les sombres heures de l’Empire Dans ce contexte troublé, les condi- tions de vie des gens de couleur se dégradent dans les colonies et en métropole. Par un arrêté du 13 mes- sidor an X, le Conseil d’État interdit aux « " Noirs, mulâtres et autres gens de couleur d’entrer sans permission sur le territoire continental de la République 4 " », à moins d’être munis d’une autorisation spéciale des magistrats des colonies, sous peine de détention et de déportation. En juillet 1807, Napoléon Bonaparte ordonne une enquête afin de prendre des mesures visant à se débarrasser des « " nègres sans fortune dont la présence ne peut que multiplier les individus de sang-mêlé 5 " ». Ce recen- sement révèle la présence en France de « 821 individus noirs ou de couleur de sexe masculin, 461 de sexe fémi- nin, et 13 dont le sexe n’est pas pré- cisé, c’est-à-dire un total de 1 295 6 " ». D’après l’historien Michael D. Sibalis, spécialiste de la Révolution française et de Napoléon, le nombre de 1 600 ou de 1 700 pour tout l’Empire serait en réalité le plus proche de la réalité. Les plus grandes concentrations de personnes de couleur se trouvent, selon lui, en Charente-Inférieure et en Gironde, autour de Rochefort et de Bordeaux, et de manière générale dans les villes portuaires. Une mise en spectacle de Noirs débute en France par l’exhibition de Saartjie Baartman, dite la « " Vénus hottentote " », dans les cabarets et les salons parisiens. D’abord exposée dans une cage à Londres en 1810, elle symboliques de l’émancipation des Noirs des empires coloniaux euro- péens à la fin du XVIII e siècle. Si les valeurs portées par la Révolution et la Déclaration des droits de l’Homme semblaient ouvrir la voie à une évolution des regards, l’entrée dans le XIX e siècle est pourtant mar- quée par l’échec des politiques abo- litionnistes révolutionnaires et un dur- cissement de la politique migratoire. Soucieux de rétablir la prospérité de la France aux Antilles, Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, cède aux pressions du lobby colonial. Par la loi du 30 floréal an X (20 mai 1802), il maintient l’esclavage partout où la loi du 4 février 1794 n’avait pas été appli- quée (Martinique, La Réunion), puis le ÊTRE NOIR EN FRANCE

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